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machines. Je parlai d’honneur et de patrie, on me répondit soufre et filature de soie.

… Mais depuis, mon Dieu ! j’ai vu le résultat de ces belles promesses pour le peuple ! J’ai vu quelques praticiens relever leur fortune en ruinant leurs amis et faisant la cour au pouvoir. J’ai vu plusieurs familles de minces bourgeois arriver à l’opulence ; mais j’ai vu les honnêtes gens de plus en plus vexés et persécutés ; j’ai vu surtout, et je vois tous les jours plus de mendiants et plus de misérables sans pain, sans aveu, sans éducation, sans avenir. Et je me demande ce que vous avez fait de bon avec vos idées nouvelles, votre progrès, vos théories d’égalité ! Vous méprisez le passé, vous crachez sur les vieux abus, et vous avez tué l’avenir en créant des abus nouveaux plus monstrueux que les anciens…


Vraiment on dirait que ce n’est pas un compagnon du bandit sicilien appelé l’Éveilleur, mais bien le rédacteur de l’Éclaireur… de l’Indre qui parle ainsi, celui qui, vers 1843, s’efforçait d’attirer à son œuvre littéraire et sociale, à l’œuvre de la liberté, tous les « bons patriotes » de l’endroit et ses anciens amis qu’il avait connus jadis (vers la fin du règne de Charles X, les Dudevant formaient le centre de l’opposition bonapartiste et libérale berruyère) pour « bien pensants » et « ardents libéraux ». D’autres discours de Fra Angelo adressés à son neveu, le peintre, rappellent les remontrances de George Sand à son fils, peintre aussi, qui était alors assez indifférent pour tout ce qui n’avait pas rapport direct avec la peinture ou le plaisir : elle tâchait à cette époque de réveiller chez lui l’intérêt pour les affaires publiques. Nous pouvons présumer que les deux hôtes de Nohant, en 1846, Louis Blanc et Emmanuel Arago, prêtaient en cette occasion aide à leur hôtesse. Dans ce roman, dédié à Emmanuel Arago et qui a pour sous-titre : Souvenir d’une veillée de famille, nous trouvons aussi un souvenir indéniable de la personnalité de Louis Blanc, cet ami commun d’Arago et de l’auteur. Le vengeur implacable de tous les péchés des riches et des puissants, le Piccinino est tout comme l’auteur de l’Histoire de dix ans, d’une taille si minuscule, qu’il paraît un enfant ; sa figure est d’une fraîcheur juvénile ; il parle d’une voix insinuante et douce, mais sous cet extérieur de jouvenceau, se cache