Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/718

Cette page n’a pas encore été corrigée

en silence. Hélas ! hélas ! voilà de belles choses ! Les enfants de notre peuple ne voudront point remuer, de peur de sauver leurs anciens maîtres avec eux ; et les patriciens n’oseront pas bouger non plus, dans la crainte d’être dévorés par leurs anciens esclaves. À la bonne heure ! Pendant ce temps, la tyrannie étrangère s’engraisse et rit sur nos dépouilles ; nos mères et nos sœurs demandent l’aumône ou se prostituent ; nos frères et nos amis meurent sur un fumier ou sur la potence !…


Nous retrouverons bientôt les mêmes pensées dans les articles de George Sand de l’année 1848, prêchant l’union du peuple et de la bourgeoisie intellectuelle ; les mêmes exclamations retentiront dans les Bulletins de la République, écrits de la main de l’auteur du Piccinino !

Ailleurs, en parlant du changement qui s’était opéré dans les mœurs et les coutumes de son pays pendant les quelques années qu’il a passé loin de sa ville natale, ce même Fra Angelo peint ainsi l’état général de la France… non : de la Sicile !


… Lorsque le Destatore m’envoya dans les villes avec ses députés, pour tâcher d’établir des intelligences avec les seigneurs qu’il avait connus bons patriotes, et les bourgeois riches et instruits qu’il avait vus ardents libéraux, je fus bien forcé de constater que ces gens-là n’étaient pas les mêmes, qu’ils avaient élevé leurs enfants dans d’autres idées, qu’ils ne voulaient plus risquer leur fortune et leur vie dans ces entreprises hasardeuses où la foi et l’enthousiasme peuvent seuls accomplir des miracles.

Oui, oui, le monde avait bien marché… en arrière, selon moi. On ne parlait plus que d’entreprises d’argent, de monopole à combattre, de concurrence à établir, d’industries à créer. Tous se croyaient déjà riches, tant ils avaient hâte de le devenir, et, pour le moindre privilège à garantir, le gouvernement achetait qui bon lui semblait. Il suffisait de promettre, de faire espérer des moyens de fortune, et les plus ardents patriotes se jetaient sur cette espérance, disant : « L’industrie nous rendra la liberté ! »

Le peuple aussi croyait à cela et chaque patron pouvait amener ses clients aux pieds des nouveaux maîtres, ces pauvres gens s’imaginant que leurs bras allaient leur rapporter des millions. C’était une fièvre, une démence générale. Je cherchais des hommes, je ne trouvai que des