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un préjugé monstrueux, en tant qu’elle accapare au profit d’une classe de riches et de puissants la religion de la famille, principe qui devrait être cher et sacré à tous les hommes. Par lui-même ce principe est inaliénable et je ne trouve pas complète cette sentence espagnole : Cada uno es hijo de sus obras. C’est une idée généreuse et grande que d’être le fils de ses œuvres et de valoir autant par ses vertus que le patricien par ses titres. C’est une idée qui a l’ait notre grande Révolution, mais c’est une idée de réaction, et les réactions n’envisagent jamais qu’un côté des questions, le côté que l’on avait trop méconnu et sacrifié. Ainsi, il est très vrai que chacun est le fils de ses œuvres ; mais il est également vrai que chacun est le fils de ses pères, de ses ancêtres, patres et matres. Nous apportons en naissant des instincts qui ne sont qu’un résultat du sang qui nous a été transmis, et qui nous gouverneraient comme une fatalité terrible, si nous n’avions pas une certaine somme de volonté qui est un don tout personnel accordé à chacun de nous par la justice divine…

Dans la Notice précédant le roman même de Piccinino, elle dit :

J’avais toujours envie de faire, tout comme un autre, mon petit chef de brigands. Le chef de brigands, qui a défrayé tant de romans et de mélodrames sous l’Empire, sous la Restauration, et jusque dans la littérature romantique, a toujours amusé tout le monde, et l’intérêt principal s’est toujours attaché à ce personnage terrible et mystérieux. C’est naïf, mais c’est comme cela. Que le type soit effrayant comme ceux de Byron ou, comme ceux de Cooper, digne du prix Montyon, il suffit que ces héros du désespoir aient mérité légalement la corde ou les galères pour que tout bon et honnête lecteur les chérisse dès les premières pages, et fasse des vœux pour le succès de leurs entreprises. Pourquoi donc, sous prétexte d’être une personne raisonnable, me serais-je privée d’en créer un à ma fantaisie…

Or, cette fantaisie consistait, selon son aveu, à rendre vraisemblable, naturel et compréhensible, un personnage qui l’était par le principe aussi peu. Nous ne saurions dire si George Sand a réussi dans son projet. Selon nous, ce n’est pas par le naturel que le Piccinino pèche. Mais nous y voyons effectivement le désir de l’auteur de résoudre les deux problèmes qu’il s’était posés : dans les trois chapitres intitulés ; le Blason, les Portraits de famille et Bianca, George Sand développe largement les idées