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Les Maîtres sonneurs… paraissent être faits sur des données précises et une observation exacte… sur les pratiques et les traditions des ménétriers bourbonnais et berrichons…

Cette impression d’un juge aussi autorisé en cette matière sera sûrement partagée par chaque lecteur : il est hors de doute que George Sand avait en main force renseignements et données lorsqu’elle écrivait ce roman[1].

Et dans ses lettres entre 1850-1853, nous trouvons effectivement maint écho de son intérêt intense d’alors pour tout ce qui se rapporte à la musique populaire et aux musiciens ambulants. C’est ainsi qu’elle raconte à son fils (occupé à mettre en scène Claudie à la Porte-Saint-Martin) que, parmi les maçons travaillant à Nohant, elle a trouvé une « mine de musique » populaire, cela en écoutant un certain Jean Chauvet, qui, tout en perçant un mur pour un calorifère, « chantait pour charmer ses ennuis » ; elle raconte le fait ainsi qu’il suit :

Il chante juste et avec le vrai chic berrichon ; je l’ai emmené au salon et j’ai noté trois airs, dont un fort joli ; après quoi je l’ai fait bien boire et manger là, tout son saoul. Il a été retrouver ses camarades et, leur faisant tâter sa chemise toute trempée de sueur, il leur a dit : « J’ai jamais tant peiné de ma vie ! cHe dame et ce monsieur (c’était Muller)[2] m’ont fait asseoir sur une chaise ; et puis les v’là de causer et de se disputer à chaque air que je leur disais ; et v’là qu’ils disaient que je faisais du bémol, du si, du sol, du diable, que je n’y comprenais rien, et j’avais tant d’honte que je pouvais pus chanter. Mais tout de même, je suis bien content, parce que, puisque je sais du bémol, du si, du sol et du diable, j’ai pus besoin d’être maçon. Je m’en vas aller à Paris, où on me fera bin boire, bin manger pour écouter mes chansons. »

  1. Il fut terminé et publié au commencement de 1853. George Sand écrit à son fils le 16 janvier 1853 : « J’ai repris mon travail après deux jours de souffrances atroces. M’en voilà encore une fois revenue et j’arrive à la fin de mes deux gros volumes de berrichon… » (Les Maîtres sonneurs commencèrent à paraître dans le Constitutionnel, à partir du 1er juin de cette année.)
  2. Le docteur Hermann Muller Strubing, musicien et philologue allemand, réfugié politique entre 1849 et 1852, d’abord l’hôte de Mme Sand à Nohant, puis celui de ses amis les Duvernet à la Châtre. C’est lui qui aida George Sand à transcrire et à adapter les chansons populaires berrichonnes pour le drame de Claudie.