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l’altruisme sur l’égoïsme et l’égotisme, la victoire, comme elle le disait, du jobard sur le farceur, l’action ennoblissante et transformatrice d’un grand et parfait amour.

Dans les Maîtres sonneurs, ce thème se développe sur l’arrière-fond d’un intéressant contraste entre deux mondes, deux types d’habitants du centre de la France : les habitants de la plaine, pacifiques et lents Berrichons, n’aimant ni l’esprit de nouveauté, ni le déplacement, fidèles aux vieilles coutumes, agriculteurs honnêtes et gens d’un commerce sûr, et les habitants montagnards de la Marche et du Bourbonnais, bûcherons et muletiers, toujours sur les chemins, habitués à la vie à la belle étoile, indépendants, téméraires, plus ingénieux et plus énergiques, plus éveillés et moins arriérés, point rivés à la terre, mais souvent fort peu soucieux de la propriété et de la vie d’autrui, enclins aux rixes et aux querelles, et, à la fin du dix-huitième siècle, — le temps de la jeunesse de Tiennet où se joue l’action du roman, — souvent criminels et passant aux yeux de la pacifique population du Berry pour des brigands ou même des gens voués à l’esprit du mal.

Au fond, ce sont les deux types si souvent rencontrés de nos jours dans les œuvres de Gorki : agriculteurs attachés à la terre, tranquilles, mais avides et inertes, — vagabonds libres et intrépides.

Notons surtout le dithyrambe de la rude vie vagabonde, la vie des chemineaux, que débite Huriel en réponse aux doléances de Tiennet, effrayé de la perspective de passer la nuit dans la forêt, à la belle étoile. C’est une variation sur un autre thème favori de George Sand, trouvé déjà dans Consuelo, l’hymne au « grand chemin sablé d’or ».

Le roman nous initie aux rudes et mystérieux us et coutumes des maîtres sonneurs, ces francs-maçons ménétriers, et les pages qui leur sont consacrées sont des plus intéressantes. M. Tiersot dit, dans son Histoire de la chanson populaire en France[1] :

  1. Tiersot, Histoire de la chanson populaire en France, p. 351. Paris, 1889, in-8°.)