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seconde préférée, la courageuse et fière enfant du vieux bûcheron, « la fille des bois », Thérence ; il porte silencieusement et patiemment son chagrin, quand elle aussi s’éprend de Joseph. Thérence ne débrouille que plus tard quel homme au fond est ce Joseph. Ce qu’il est, c’est ce que nous raconte justement Tiennet par l’intermédiaire de l’auteur ; ou plutôt il nous raconte comment le gamin campagnard Joseph, surnommé Joset l’ébervigé, exposé aux risées de tout le village pour son air stupide et sa maladresse, ne trouvant protection que de la part de sa camarade de catéchisme, l’alerte et pimpante Brulette, élevée par sa mère à lui, se découvre un talent musical, talent d’exécution et de créateur, et devient à la fin un « maître sonneur ». Mais si l’enfant imbécile, toujours plongé dans une vague rêverie, s’élève par son intelligence bien au-dessus de son simple entourage, il reste toujours un égoïste, préoccupé de sa personne, d’un amour-propre excessif, jaloux, envieux, et son arrogance, son éternel désir de primer sur ses rivaux amènent sa fin prématurée. On le trouve un beau jour noyé ou tué dans un fossé. La rumeur attribue sa mort à ses camarades de métier, les ménétriers ambulants, jouissant d’une mauvaise réputation parmi la pacifique population sédentaire et formant un compagnonnage mi-maçonnique, mi-industriel dont les membres ne sont admis qu’après force épreuves mystérieuses et pénibles et dont les lois et les usages sont jalousement cachés aux yeux des profanes.

Tiennet nous conte également comment, à F encontre de Joseph, la coquette et légère Brulette, d’abord si préoccupée de sa personne, devint une modeste, laborieuse et sérieuse jeune fille, se sacrifiant pour les autres et supportant bravement la calomnie pour avoir maternellement gardé et soigné l’enfant de la Mariton, mère de Joseph. C’est son amour pour l’ami de Joseph, l’intrépide muletier Huriel, sonneur de talent et amant de la liberté, et son attachement filial pour la Mariton qui l’ont transformée.

L’idée générale du roman est donc l’un des thèmes favoris de George Sand : le sacrifice de sa personnalité, la victoire de