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réchauffées par le souffle d’une vraie pitié. Et cela est tout naturel. Durant toute sa vie à Nohant, George Sand sauva et éleva non pas un seul, mais beaucoup, beaucoup de champis ! M. Maurice Cristal (Germa), dans son article[1], raconte que Mme Sand avait toute sa vie ramassé, sauvé, élevé, soigné, enseigné et mis sur pieds une quantité de champis. Il ajoute que si, tout comme ses héroïnes, la Petite Fadette ou la Louise dans Valentine, elle avait été souvent offensée ou poursuivie pour n’avoir pas assez respecté la morale bourgeoise, elle reçut, en récompense de sa bonté maternelle pour les malheureux enfants abandonnés, une expression toute originale de leur gratitude. Lorsqu’en l’été de 1848, au moment du réveil de la réaction à outrance, la vie et le repos de Mme Sand étaient menacés[2], tous les champis des alentours, jadis secourus par elle, formèrent autour de Nohant une garde invisible et veillèrent nuit et jour pour préserver leur bienfaitrice d’une attaque soudaine, de pièges quelconques, d’une arrestation sournoisement préparée, etc. Elle ne le sut même pas[3] ! C’est ainsi que les champis la remercièrent. En vérité, cette histoire vraie n’est ni moins romantique, ni moins intéressante que l’histoire de François le Champi. Qu’il y manque ce que l’on appelle l’amour, qu’il n’y ait d’une part que bonté et pitié humaine, de l’autre, que dévouement et gratitude, elle n’en est que plus belle !

La Petite Fadette est dans son genre un Taming of the shrew : c’est l’histoire du domptage d’une petite bête fauve, taquine, traquée, montrant les dents, de Fadette le Grillon, que tout le village prenait pour une sorcière, ou même pour un méchant farfadet, et de sa transformation en une douce, aimante et laborieuse jeune fille. Il est évident que cette transformation s’ac-

  1. Nous en parlons dans notre tome Ier, p. 144.
  2. Voir plus loin, chap. viii.
  3. M. Cristal dit par contre que George Sand fut extrêmement touchée d’apprendre que Tackeray fut si enchanté de François le Champi que sous cette impression il écrivit à son tour l’histoire d’un être abandonné (Henry Esmond), en transportant, cela s’entend, l’action d’un village du Berry dans un château de la Old England.