Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/697

Cette page n’a pas encore été corrigée

alors que son mari ayant dissipé toute sa fortune, la pauvre meunière était sur le point de tomber à la merci de sa rivale et sa créancière, la coquette Sévère, et comment il ne s’aperçut point, au milieu de toutes ces affaires pratiques, qu’il aimait d’amour sa mère adoptive et était aimé d’elle, — ce cher vieux conteur, disons-nous, est bien un véritable villageois, très typique. Il est même hors de doute que c’est un véritable paysan berrichon par son tour d’esprit, quoiqu’il ne parle point patois et ne nous lance pas de jurons indécents à la figure (ainsi que c’est maintenant reçu en littérature). Car, s’il doit, comme le voulait George Sand, être compris du Parisien civilisé, cela ne veut pas dire que ses idées ne soient pas celles d’un vrai paysan. M. d’Haussonville croit que ce sont les idées de George Sand ; cela n’est pas tout à fait exact : nous y découvrons quelque chose de très local, de très paysan en général, et en particulier ce sont les idées d’un philosophe rustique, un peu bavard, un peu libre penseur.

Nous trouvons dans le Champi un tout autre défaut : quelque chose de faux et de déplaisant dans la donnée même du roman, dans cet amour non pas filial, mais amoureux, de l’enfant trouvé pour sa mère adoptive. Afin de préciser notre pensée, racontons ici deux souvenirs personnels. Une très jeune fille de nos amies reçut la permission de lire le Champi avec sa gouvernante ; c’était le premier roman de George Sand qu’on lui permît de lire. Toute fière et enchantée elle commença. Quelques jours plus tard, nous lui demandâmes : « Eh bien ? avez-vous fini le Champi ? Cela vous a-t-il plu ? » — « Ah ! ne m’en parlez pas, s’écria notre jeune amie, c’est une horreur ! Et puis, c’est bête comme tout ! » — « Comment, une horreur ? Pourquoi, bête comme tout ? » — « Mais songez donc que ce François… il est si brave, si gentil… et tout d’un coup il… (ici la voix flûtée baissa mystérieusement)… « tout d’un coup il devient amoureux de cette vieille et l’épouse, c’était sa mère ou tout comme, et lui, il, il… non ! cette fin est d’une bêtise, d’une bêtise ! » Et notre interlocutrice fut prise d’un fou rire, comme on ne rit qu’à seize ans. Et plusieurs années plus tard, au milieu d’une m. 43