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à « ne laisser voir l’auteur nulle part », ne regrettant que de traduire en français usité certaines locutions et certains mots tout berrichons. Mais elle voulait raconter son histoire de manière à être également comprise par un Parisien blasé et par un Berrichon parlant encore le bon vieux français de Rabelais. Elle voulait, au lieu d’œuvres quintessenciées, à la portée de la minorité des lecteurs, faire une œuvre qui aurait pu répondre au nom de l’art pour tous, pour les riches et les pauvres, pour l’élite intellectuelle et les illettrés. Bref, ayant bien avant Tolstoï[1] prêché dans le prologue de la Mare au Diable la théorie des « quatre attelages », George Sand exprime dans la préface de François le Champi le même souhait que Tolstoï dans son étude sur l’Art.

Selon George Sand, les vraies œuvres d’art ou de littérature doivent être compréhensibles et plaire à tous les hommes. Les romans champêtres de George Sand sont effectivement à la portée d’un immense cercle de lecteurs. Elle a donc brillamment résolu le problème qu’elle s’était proposé. Un intellectuel comprend ces contes villageois aussi bien qu’un homme du peuple, un prolétaire aussi bien qu’un bourgeois français, un Allemand ou un Italien. Traduisez-les, lisez-les à des paysans de n’importe quel pays, ils seront à leur portée, ils exciteront une série de pensées et de sentiments les plus élevés. Nous conseillons à tous ceux qui s’occupent des bibliothèques et des conférences populaires de mettre en première ligne dans leurs catalogues : la Mare au Diable, François le Champi et la Petite Fadette.

M. d’Haussonville trouve que le prétendu chanvreur, au nom duquel George Sand raconte le Champi, la Petite Fadette et les Maîtres sonneurs, ressemble peu à un véritable chanvreur. Nous dirons au contraire que ce bon vieux Depardieu qui nous raconte si adorablement comment le pauvre petit Champi fut recueilli par la jeune meunière Mme Blanchet, comment il grandit et devint d’abord son meilleur ami, puis la sauva de la ruine,

  1. Signalons cependant à ceux de nos confrères français qui aiment à déclarer que tout nous vient toujours de France, que Tolstoï a très peu lu George Sand et ne l’aimait guère.