Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/694

Cette page n’a pas encore été corrigée

de ses derniers accords, qui s’éteignaient dans un pianissimo insaisissable. L’automne est un andante mélancolique et gracieux qui prépare admirablement le solennel adagio de l’hiver…

Et tout comme nous avons trouvé dans les lettres de de Latouche une mention enthousiaste sur « la nuit de septembre dans un verger » d< ns les Noces de campagne, de même nous trouvons dans les lettres de Tourguéniew à Mme Viardot des lignes enthousiastes sur cette page de la préface de François le Champi et sur le roman même. Ces lignes nous serviront à leur tour de préface à l’analyse de ce second chef-d’œuvre des romans champêtres de George Sand.

… Votre mari vous a certainement parlé du nouveau roman de Mme Sand, que le Journal des Débats publie dans son feuilleton : François le Champi. C’est fait dans la meilleure manière : simple, vrai, poignant… Il y a entre autres, tout au commencement de la préface, une description en quelques lignes d’une journée d’automne… C’est merveilleux. Cette femme a le talent de rendre les impressions les plus subtiles, les plus fugitives, d’une manière ferme, claire et compréhensible ; elle sait dessiner jusqu’aux parfums, jusqu’aux moindres bruits… Je m’exprime mal, mais vous me comprenez. La description dont je vous parle m’a fait penser au chemin bordé de peupliers qui conduit au Jarriel le long du parc ; je revois les feuilles dorées sur le ciel d’un bleu pâle, les fruits rouges de l’églantier dans les haies, le troupeau de moutons, le berger avec ses chiens et une foule d’autres choses[1] !…

Voici ce qui peut s’appeler la « force contagieuse » de l’art ! George Sand fit vibrer dans l’âme d’un autre artiste une corde analogue et sa plume traça cette charmante petite aquarelle, « faite d’après un tableau de George Sand ». La même lettre de Tourguéniew nous révèle que notre grand compatriote, tout en admirant François le Champi, écrit, selon lui, « dans la meilleure manière », reprochait toutefois à l’auteur l’emploi des mots et des tours de phrases paysans : … Elle y entremêle peut-être un peu trop d’expressions des paysans ; ça donne de temps en temps un air affecté à son récit. L’art n’est pas

  1. Lettres de Tourguéniew à Mme Viardot. (Revue hebdomadaire, n° 44, 1er octobre 1898, p. 37-39.)