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dernier chapitre. Mais, chose étrange, lorsqu’on lit ce roman, il s’exhale de ses pages un souffle d’actualité, comme si vous lisiez un journal d’hier ou du moins un journal que nous autres Russes nous lisions avant les bouleversements de 1905. Nous trouvons en comparant les types et les doctrines de ce roman aux types et aux idées répandus chez nous vers 1904 une ressemblance frappante entre les phénomènes historiques français et russes, aux époques qui précédèrent et accompagnèrent les catastrophes politico-sociales, telles que la révolution de 1848 en France et celle de 1905 en Russie. Ces traits de ressemblance, et ces échos des évolutions sociales et politiques font que s’il fut un temps où ce roman de George Sand sembla à la plupart de ses lecteurs bourgeois, français ou étrangers, « utopiste », il nous semble plus intéressant aujourd’hui que force romans naturalistes, acclamés il y a vingt ou trente ans ! Car malgré toutes ses « fadaises » dans le goût de 1840, malgré d’interminables discours de ses héros (simplement insipides pour un lecteur contemporain), nous sentons là le souffle de la réalité la plus vivace à travers une forme littéraire vieillie. La forme passe, les idées restent, et, de plus, les idées qui sont le reflet de grands faits sociaux ont le don de renaître !

George Sand travaillait avec une rapidité incroyable. À peine un roman terminé elle en commençait un autre. Certains ont prétendu que lorsqu’elle avait fini les dernières pages d’un roman et que l’heure de se coucher, c’est-à-dire quatre heures du matin, n’avait pas encore sonné, elle prenait une nouvelle feuille de papier, écrivait en haut le titre de son nouveau roman, et se mettait tranquillement à l’écrire. Nous ne savons pas si tel fut le cas avec Jeanne et le Meunier d’Angibault, mais il est certain qu’elle écrivit trois romans en 1844 : Jeanne au printemps ; le Meunier en été, et la Mare au Diable en automne.

Les démarches à propos de la publication en volumes du Meunier retardèrent la publication de la Mare au Diable, et sa préface parut séparément dans la Revue sociale de Pierre Leroux,