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alochon[1] : ceci est d’une gaminerie charmante et revient toujours à propos. J’aime Édouard ! Je ne voudrais pas non plus que l’amoureux de l’aristocratique Marcelle fût tombé dans une marre (sic) poursuivi par la folle, avant d’aller au rendez-vous parfumé du bois. Je ne veux pas le voir boueux, assis sur le serpolet au clair de la lune : c’est bien assez qu’il soit, si vous voulez, déchiré par les épines et un peu ensanglanté. J’attends dimanche prochain un article de vous, arrivé trop tard au dernier numéro de l’Éclaireur. Je vous sais bien bon gré de m’avoir servi de commentateur auprès de M. Chopin. Du reste il n’y aura point d’équivoque dans le mince volume qui s’imprime ici sous le titre des Agrestes. Le nom du Polonais est en toutes lettres dans une note au bas de la page. Personne ne m’a initié au charme de la musique autant que ce grand élégiaque[2] !

Que vous m’avez fait de bien en m’écrivant que Véron pouvait chauffer les pieds de ses abonnés et la tête de Sue, mais que pour vous, il ne vous chauffera rien du tout ! C’est la première fois que j’ai ri de bon cœur depuis ma catastrophe[3]. Le rire est bon, allez, et l’amitié aussi, et l’enthousiasme que donne un beau livre à lire. Je vous dois tous ces trésors.

Latouche.

… J’ai lu les réclamations de Blaise Bonnin, aussi amusant que l’Homme aux quarante écus, et qui se place comme écrivain entre Rousseau et Rabelais.

Dans une autre lettre (écrite un peu précédemment, mais aussi un mercredi, le 2 octobre 1844), de Latouche annonçait à George Sand :

Le superbe Véron… vous octroie la liberté de publier votre roman ailleurs que chez lui, à condition que, dorénavant, vous serez sage et

  1. Alochon, mot berrichon signifiant les petits morceaux de bois qui garnissent la roue du moulin. Le petit Édouard de Blanchemont, grandi à Paris, trouve ce mot tellement plaisant, lors de sa première rencontre avec le meunier Grand-Louis, que, dès ce moment, il ne l’appelle plus qu’Alochon.
  2. Dans le volume des Agrestes se trouve effectivement une pièce de vers dédiée à Chopin, où l’on peut lire entre autres la ligne que voici :

    Ce pâle polonais qui tient le ciel ouvert.

    « L’équivoque » que Chopin voulait voir éviter à l’auteur et que George Sand avait dû commenter auprès du pianiste était la possibilité d’être confondu avec le poète Chopin, dont nous avons parlé à propos de Magu (V. plus haut, p. 314-315), qui venait justement d’imprimer dans la Revue indépendante une pièce de vers dédiée à ce Chopin-poète.

  3. La femme de de Latouche mourut en janvier 1845.