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dant cinq jours, du 5 au 10 janvier, comme au bon vieux temps, Latouche bombarda Mme Sand de lettres et de billets dans lesquels tantôt il se réjouissait de leur réconciliation, tantôt son amour-propre et sa dignité se défendaient contre de prétendues injustices arrivées autrefois, assurait-il, mais enfin la glace fut rompue. Latouche fit son apparition dans le petit logis du square d’Orléans, revit son adorée Solange, non plus le « gros enfant mangeur de groseilles » de jadis, mais une belle jeune fille de quinze ans[1], il fit la connaissance de Chopin et de Maurice, et surtout, surtout il revit son « cher George » ! Et immédiatement, oubliant onze longues années, il se mit à admirer son talent, à analyser, à critiquer ses œuvres, à lui donner des conseils, à se mettre en quatre pour sa plus grande gloire et son plus grand profit littéraire, comme il le faisait autrefois.

Or, George Sand, qui n’avait plus, depuis sa rupture avec la Revue des Deux Mondes, un revenu mensuel assuré et fixe, ne gagnant rien à la Revue indépendante, soutenant l’entreprise (le pianotype) de Leroux et ayant besoin de grandes sommes d’argent pour la publication de son propre Éclaireur de l’Indre, avait justement commencé à écrire Jeanne et songeait à la vendre ou à la placer le plus lucrativement possible, afin de pourvoir à toutes ces dépenses. De Latouche se mit aussitôt à faire des démarches pour faire accepter Jeanne dans quelque journal ou revue, ou pour la faire éditer avantageusement. Après de longs pourparlers avec divers « hommes d’affaires » et plusieurs éditeurs : Falempin, Durmont, Boullé, La Chapelle, Anténor Joly, (qui publiait alors le Courrier français et était en même temps le directeur du théâtre de la Renaissance), et d’autres encore, Jeanne fut prise enfin par le célèbre docteur Véron qui avait alors l’intention de « reconstituer le Constitutionnel » sur de vastes bases. Il désirait un début éclatant, aussi se montrait-il prodigue, proposant les plus tentantes conditions aux écrivains les plus célèbres : Balzac,

  1. Lettre inédite de de Latouche à Mme Sand.