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En 1851, George Sand écrivit une pièce, Molière, dédiée à Alexandre Dumas père, jouée au théâtre de la Gaîté, le 10 mai de cette année. Dumas père répondit à la Dédicace de Mme Sand, datée du 10 mai et écrite quelques heures avant la représentation, par le billet que voici.


Madame,

D’abord, mille mercis pour votre bonne dédicace, permettez-moi de vous envoyer un fragment de lettre d’Alexandre qui à Mystowitz vient de trouver une occasion de me parler de vous. Tâchez de déchiffrer son écriture.

Peut-être tiendriez-vous à rentrer dans les lettres dont il parle, d’après ce qu’il dit ce ne serait probablement pas très difficile. Aimez-moi un peu, je vous aime beaucoup.

Tous les respects du cœur.

A. Dumas père.

23 mai 1851, Paris.

Dumas avait joint à ce billet une page arrachée à la lettre de son fils qu’il mentionnait :


Mystowitz, mai 1851.

Tandis que tu dînais avec Mme Sand, cher père, je m’occupais d’elle. Qu’on nie encore les affinités ! Figure-toi que j’ai ici entre les mains toute sa correspondance de dix années avec Chopin. Je te laisse à penser si j’en ai copié de ces lettres, bien autrement charmantes que les lettres proverbiales de Mme de Sévigné ! Je t’en rapporte un cahier tout plein, car malheureusement ces lettres ne m’étaient que prêtées. Comment se fait-il qu’au fond de la Silésie, à Mystowitz, j’aie trouvé une pareille correspondance éclose en plein Berry ? C’est bien simple. Chopin était Polonais, comme tu sais ou ne sais pas. Sa sœur a trouvé dans ses papiers quand il est mort toutes ses lettres conservées, étiquetées, enveloppées avec le respect de l’amour le plus pieux. Elle les a emportées, et au moment d’entrer en Pologne, où la police eût impitoyablement lu tout ce qu’elle apportait, elle les a confiées à un de ses amis habitant Mystovitz. La profanation a eu lieu tout de même puisque j’ai été initié, mais au moins elle a eu lieu au nom de l’admiration et non au nom de la police. Rien n’est plus triste et plus touchant, je t’assure, que toutes ces lettres dont l’encre a jauni et qui ont toutes été touchées et reçues avec joie par un être mort à l’heure