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inédites qui lui sont adressées à cette époque par ses amis : les Viardot, Leroux, Pététin, nous trouvons des paroles de condoléance sur la mort si prématurée du grand artiste. Tandis qu’on accusait George Sand d’être « accaparée » à Paris par ses succès dramatiques, ou de se divertir à Nohant par son théâtre et ses marionnettes, voici ce qu’elle écrit dans sa lettre du 2 janvier 1850 à Augustine qui venait de passer le commencement de l’hiver à Nohant et y avait participé aux représentations arrangées par Maurice et ses amis. Ces jeunes gens, attristés par son départ, avaient à présent « repris leur gaieté et leurs passe-temps habituels », dit Mme Sand, et elle ajoute :

… Bref, on s’amuse énormément. Mais tu sais, chère enfant, quelle est ma manière de m’amuser. J’y encourage les autres, je fais mon rôle d’amoureux, quand on ne peut se passer de moi, je suis contente de voir cette gaieté. Mais il me vient à chaque instant un gros soupir qui m’étouffe, car ce contraste du plaisir extérieur avec les chagrins que je porte au fond du cœur rouvre bien des blessures cachées. C’est égal, il faut garder sa peine pour soi et faire oublier aux autres qu’on a l’âme brisée. C’est surtout un devoir de mère de famille, et tu dois le comprendre, à présent que tu es mère. Quand ton George sera grand, tu lui cacheras tous tes soucis de situation pour lui en épargner le contre-coup… [1].

Ainsi en l’espace de ces deux années 1847-49, George Sand perdit trois de ses proches, bien chers à son cœur. Elle vit mourir Chopin et Hippolyte, cet ami d’enfance et de jeunesse. Quant à Solange, ce fut tout comme si elle était morte aussi ! Il n’y a pas à s’étonner que les lettres datées de cette époque, à l’exception de celles qui traitent de questions politiques ou matérielles, soient pleines d’un sombre désespoir, d’une désolation sans bornes. George Sand n’eût probablement pas résisté à tant de pertes et de désenchantements, si les événements de 1848 n’étaient arrivés.

Parlons à présent du sort de la correspondance de George Sand à Chopin, d’autant qu’il courut sur elle aussi des légendes ou des récits plus ou moins inexacts, et que nous pouvons citer quelques lettres inédites fort intéressantes.

  1. Inédite.