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tive de Chopin, lorsqu’il écrivit à ses parents sur George Sand, Maurice et Augustine les lignes fâcheuses que nous lisons dans la lettre du 19 août 1848.

Nous ne pouvons lire, au contraire, sans une émotion profonde ses lettres d’Écosse, si désolées, si pleines d’une amertume toute naturelle : « Je n’ai jamais encore damné personne, mais à présent ce que je sens est si intolérable que je me sentirais allégé si je pouvais damner Lucrezia[1]. » Ou bien une autre lettre au même Grzymala empreinte d’une si profonde tristesse : « Ni poste, ni chemin de fer, ni voiture pour se promener, ni bateau, pas même un chien à voir, tout est désolant, désolant…, si je ne t’écris pas de jérémiades, ce n’est pas parce que tu serais incapable de me consoler, mais parce que tu es le seul qui saches tout, et si je commençais à me plaindre, cela n’aurait pas de fin, et puis c’est toujours la même chose. Mais cela n’est pas exact, si je dis que c’est toujours la même chose, car chaque jour je vais plus mal. Je me sens toujours plus faible, je suis incapable de composer, non pas parce que je ne l’aurais pas désiré, mais pour des causes toutes physiques et parce que tous les huit jours je me transporte d’un lieu dans un autre[2]. »

Quelle sombre ironie et quelle résignation d’un cœur brisé transparaissent aussi dans chaque ligne de sa lettre quasi bouffonne à Fontana, datée du 18 août 1848 :

  1. Lettre à Grzymala, datée du 1er octobre de Keire.
  2. Lettre à Grzymala du 17-18 octobre 1848, de Londres. V. Ferdinand Hœsick, Pamiatki po Chopinie w Muzeum Czartoryskich w Krakowie (Bibliotheka Warszawska, 1898, novembre). Mais M. Hœsick est dans l’erreur, lorsqu’il dit, à ce propos, ailleurs, dans sa Biographie de Chopin, que M. Niecks ne connaît pas cette lettre et que c’est pour cela qu’il ne peut pas bien juger des relations amicales entre Chopin et la princesse Marceline Czartoryska et de la bonté de cette dame et de son mari, le prince Alexandre, dont ils firent preuve envers Chopin. Niecks a bien imprimé cette lettre dans son livre sur Chopin, quoiqu’elle n’y soit pas traduite de l’autographe, mais citée d’après le texte publié par M. Karasowski. Niecks a également imprimé la lettre de Chopin de mars 1849 (en la datant, toujours d’après Karasowski, de janvier), et là, nous lisons les phrases sur la bonté de la princesse Marceline, bonté dont Hœsick bien à tort accuse Niecks d’avoir ignoré l’étendue.