Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/644

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous aimez. Comment auriez-vous compris que je ne fusse pas sensible aux injures qu’un manant vous a adressées ? Mon attachement pour vous dictait ma conduite. J’espère que justice sera faite du misérable dont vous avez tant à vous plaindre ; quant à moi, je n’ai pas cru devoir vous laisser un seul jour sous le coup de ses infamies sans appeler sur lui la sévérité du gouvernement. Ce serait ne pas vouloir de la liberté de la presse qu’accepter sans protestations de pareils abus…[1].

… J’ai de bien mauvaises nouvelles de cette pauvre Italie. Nous la laissons périr, j’en ai la crainte et c’est une pensée amère pour moi. Les Piémontais ont été obligés de repasser le Mincio ; ils ont perdu leurs positions au delà de cette rivière et Radetzki peut tourner le Milanais par la droite du Pô[2].

Vous qui connaissez et aimez l’Italie, vous apprendrez cette nouvelle avec regret. J’en suis profondément attristé.

Adieu, ma chère amie, parlez de moi à Maurice et conservez-moi votre précieuse et chère affection. Autrefois vous me répétiez les paroles du Christ à saint Pierre : « M’aimez-vous ? » Je ne vous ai jamais reniée, quelles qu’aient été les diversités de nos sentiments politiques, et chaque fois que j’en ai eu l’occasion, je vous ai pu répondre : « Vous savez si je vous aime. C’est du plus profond de mon cœur. »

Charles d’Arragon.

Grâce aux démarches de Charles d’Arragon et de Chaix d’Est-Ange, on prit des mesures contre les auteurs du pamphlet et quoique, selon le vœu exprimé par George Sand, on ne sévît pas contre eux, le libelle fut confisqué par la police et retiré de la circulation…

Cette triste histoire éclaire le passage assez obscur de l’Histoire de ma vie (en note à la page 459), qui se rapporte à Augustine et dans lequel Mme Sand dit :

Cette enfant, belle et douce, fut toujours un ange de consolation pour moi. Mais, en dépit de ses vertus et de sa tendresse, elle fut pour

  1. Nous omettons le milieu de cette lettre et le dernier paragraphe après la signature, parce qu’ils se rapportent aux événements politiques de 1848, que nous traitons dans le chapitre viii.
  2. Cette indication nous permet de fixer l’époque à laquelle M. d’Aragon écrivit sa lettre : c’est le 25 juillet que Radetzki battit les Piémontais commandés par Charles Albert et les obligea à repasser le Mincio. Donc cette lettre fut écrite dans les derniers jours de juillet 1848.