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formel de ne jamais la donner à Solange, de la garder séparément du reste de sa correspondance avec Solange, mais de ne jamais la détruire. Voici pourquoi : ayant reçu la lettre de Solange datée du 23 avril 1852, Mme Sand lui répondit le 25. On peut lire au haut de la première page de cette lettre les lignes que Mme Sand y traça plus tard : « Réponse à Solange faite le 25 avril 1852 à sa lettre du 23 et qui ne V aurait plus trouvée à Paris le mardi suivant, elle Va lue ici à Nohant et oubliée dans les balayures de sa chambre. »

On verra en la lisant pourquoi dame Solange la jeta par terre et pourquoi aussi sa mère tint à préserver de la destruction ce douloureux dialogue.

Lettre de Solange à sa mère :


Vendredi, 23 avril 1852.

Je suis en pension depuis hier. Il me semble qu’il y a déjà longtemps. Est-ce ainsi qu’elles vont passer les plus belles années de ma vie ? Sans parent, sans ami, sans enfant, sans même un chien pour interrompre le vide ? Passe la solitude des champs, où l’on a pour compagnie les rivières et les bois, les oiseaux et les nuages. Mais à Paris l’isolement entre quatre murs sales, en compagnie d’une bougie qui s’ennuie et d’une fleur étiolée qui semble vous dire : « Et moi aussi j’aurais été belle, aimée, recherchée, sans l’abandon et le manque d’espace. »

L’isolement au milieu du mouvement et du bruit, à côté des gens qui s’amusent, de chevaux qui galopent, de femmes qui chantent, d’enfants qui jouent au soleil, d’êtres qui s’aiment et qui sont heureux, ce n’est pas de l’ennui, c’est du désespoir.

Et l’on s’étonne que de pauvres filles sans esprit et sans éducation se laissent entraîner au plaisir et au vice ! Les femmes de jugement et de cœur savent-elles toujours s’en préserver ? Ah ! qu’il me faut de courage pour être encore debout !

Écris-moi encore à Paris, car je ne partirai que mardi avec mon jugement pour reprendre ma petite fille. Malheureusement ce jugement a été rendu par défaut et il est probable que les conseils de mon mari l’ont fait pour en appeler et prolonger les choses. Ils espèrent me lasser par les lenteurs qu’ils apporteront, mais ils comptent sans ma volonté et surtout sans mon aversion pour mon mari.

Adieu, ma chérie, à bientôt, j’espère. Je t’embrasse de cœur.

S…