Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/631

Cette page n’a pas encore été corrigée

Solange moralement et matériellement, lui paya une rente annuelle, mais cela n’empêcha ni son cours d’existence désordonné, ni sa constante poursuite du luxe et du numéraire[1]. Ses relations avec sa mère furent tantôt assez paisibles, tantôt interrompues pour quelques mois, parfois pour quelques années, et cela jusqu’à la mort de George Sand[2]. Disons, dès à présent, que celle-ci se méfia toujours de sa fille, elle avait cessé de l’aimer, s’attendant toujours à tout de sa part, jusqu’à des noirceurs et des actes les plus criminels. C’est ainsi qu’en cette même année de 1851, lorsque d’après un autre biographe de Solange « le rapprochement entre la mère et la fille était complet[3] », Mme Sand écrivit à Maurice la lettre que voici, ne laissant pas l’ombre d’un doute sur la nature de ce rapprochement :


Nohant, 2 janvier 1851.

Eh bien, mon enfant, tu as eu raison de voir par tes yeux, puisque c’était la seule manière de savoir à quoi nous en tenir. D’abord et avant tout, tu me donnes en résumé une bonne nouvelle, puisque tu me dis que Solange est dans une bonne situation pécuniaire. Il te restera à l’assurer si cette situation est apparente avec un nouvel abîme au-dessous, ou si elle est réelle, assurée du moins pour un certain courant de travaux et d’affaires. Que Clésinger soit capable de faire de belles choses et d’en faire beaucoup, c’est certain. Mais je crains que l’on ne mange d’avance ce qu’on gagne et qu’on n’ait un luxe absurde au détriment du lendemain. Clésinger a toujours établi son budget ainsi, et il ne fera jamais autrement. Solange, qui avait commencé par là avec lui et qui en a senti les inconvénients, a-t-elle profité de l’expérience ? a-t-elle pris de l’ordre et de la prévoyance ? C’est ce que tu verras en examinant. Mais n’y va que modérément et très prudemment. Veux-tu que je te dise une chose bien bête, mais en tout cas bien entre nous ? Je n’aime pas que tu manges chez eux. N’y mange pas. Clésinger est

  1. V. Georges d’Heylli, la Fille de George Sand, p. 77, 78, 87, 88 et 110-114
  2. On trouve, à ce sujet, des lettres de Mme Sand extrêmement importantes, ainsi que des détails très curieux dans le troisième volume des Mémoires de Mme Juliette Adam, Mes Sentiments et nos idées avant 1870, p. 193-198 (Paris, 1905, Hachette).
  3. M. S. Rocheblave, George Sand et sa fille. (Revue des Deux Mondes, mars 1905, p. 190.)