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donner ces 5 000 francs aux créanciers de Solange, sa maison ne sera pas vendue. Nous pourrons gagner le moment où cette propriété recouvrera en partie sa valeur et ne sera pas vendue par expropriation de justice. Sinon dans un mois elle le sera sans que rien puisse la sauver. Elle atteindra au plus le chiffre de 60 000 francs que Solange doit. Donc elle sera ruinée absolument, il ne lui restera pas une obole. Je dois sauver ma fille, mais, avant tout, je dois satisfaire des engagements d’honneur et ne pas te laisser courir le risque de poursuites que je voudrais assumer sur moi seule.

Je ne disposerai donc pour Solange de ces 5 000 francs que si tu m’y autorises, et je ne dormirais pas tranquille si je le faisais sans ton approbation.

Après cela, je ne m’arrêterai pas de travailler et de chercher, et si je ne trouve pas ce qu’il faut, je vendrai le mobilier de Nohant à quelque prix que ce soit. Cela me sera pénible, à cause de Maurice, qui y tient, c’est un monde de souvenirs pour lui. Je te prierai alors de passer la créance sur moi à un tiers qui ferait vendre par force majeure, et mes enfants n’auraient ni l’un ni l’autre de reproches à me faire. Bon soir, ami, la poste part, j’espère que nous n’en viendrons pas là, mais enfin, il faut mettre tout au pire, pour savoir où l’on va, et je suis sûre que tu es horriblement gêné aussi, et surtout par ma faute. Cela me cause un chagrin profond, comme tu peux le croire.

Je t’embrasse tendrement, ainsi que ta famille.

G. Sand.

Il fait ici un froid extraordinaire. La terre est couverte de neige depuis deux jours.

Les efforts de George Sand n’aboutirent à rien. L’hôtel de Narbonne fut vendu, mais ni Solange ni Clésinger ne changèrent leur genre de vie, grâce à quoi le mari dut constamment voyager d’une ville dans une autre, en quête de commandes ; Solange restait seule plus qu’il ne fallait. En 1849 elle eut un second enfant, encore une fille, Jeanne, et qui, elle aussi, ne vécut que peu d’années. Les époux prirent alors définitivement des routes différentes. Le mari mena une vie bruyante et déréglée, la femme une existence galante. Tantôt ils se brouillaient avec esclandre, tantôt ils se réconciliaient. Cela finit par un procès judiciaire et une séparation de corps. Mme Sand s’efforça de soutenir