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Tout en se plaignant de la froideur de sa fille, George Sand s’efforçait de tout son pouvoir de la sauver de la faillite, elle obtint que le gouvernement de la République fit des commandes à Clésinger, elle tâchait de payer les dettes de Solange, et pour cela, elle emprunta elle-même, malgré sa position financière extrêmement précaire, ce qui n’empêcha pas Solange de prétendre dans ses lettres à Chopin et à Mme Bascans que sa mère ne s’inquiète nullement d’elle, qu’elle est « à la merci des créanciers de sa mère », etc. Tout cela est faux ; les deux lettres inédites que voici, l’une adressée à Solange, l’autre à Charles Duvernet le prouvent :


À Solange.
Nohant, 3 novembre 1848.

Si tu m’accuses de ton désordre, tu as grand tort, car tout ce qu’il est possible de faire je l’ai fait et je le fais encore. Je viens d’envoyer quelqu’un à Paris pour voir ce qui est encore possible d’obtenir en fait de délais. Mais c’est un temps exceptionnel où le crédit, source de tous les arrangements et sans lequel aucune affaire n’est arrangeable, a entièrement disparu. On veut du numéraire, et nulle part on ne trouve à emprunter. J’ai des cautions excellentes, j’ai une propriété, on a confiance en moi, et pourtant, non seulement on ne peut me prêter, mais encore on me menace pour une misérable dette de dix mille francs ; la seule que j’aie et que je n’ai pu payer cette année, parce que j’ai payé sept mille francs et plus pour liquider la possession de l’hôtel de Narbonne. Je te l’ai déjà dit. Les révolutions ne sont pas des lits de roses. Ce sont, au contraire, des lits d’épines. Toutes les plaintes et tous les soucis n’y font rien. Tu as la vie matérielle chez ton père, et il est content de te recevoir, restes-y le plus possible. Pendant ce temps, j’agirai de tout mon pouvoir pour sauver la maison. Si j’échoue, ce ne sera certainement pas ma faute. J’avais déjà reçu la note de M. Beauvais. J’espère qu’il me donnera un peu de temps pour le payer. Ta propriétaire se plaint de n’avoir absolument rien reçu, pas même un acompte depuis que tu occupes son appartement. À cela il y aurait de ta faute. Je t’avais donné cinq cents francs à Paris pour lui faire prendre patience, et tu m’avais dit que tu lui avais donné cet acompte. Est-il vrai qu’elle n’ait rien reçu du tout ? Il y aurait aussi de la faute de ton mari, car il a eu quelque argent de sa statue du Champ de Mars, et la première chose à faire, c’est de payer son