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Nohant, 26 octobre 1848.
Mon ami,

Je te demande une chose, c’est d’être le guide moral de Bertholdi dans le commencement de son exercice. Il est fort intelligent et laborieux. Il sera vite au courant des choses matérielles ; mais dans l’appréciation des personnes et des actes qui tiennent à la politique, il aura, peut-être, besoin du conseil et du secours de ton expérience…

… Quant à Titine, je la connais d’assez longue date pour savoir que vous en serez toujours plus contents, à mesure que vous apprécierez son cœur et sa raison. Que n’est-elle ma fille ! L’autre me donne du chagrin et toujours du chagrin. À présent que nous ne sommes plus sens dessus dessous pour nos affaires d’argent, parle-moi de Ribérac, c’est-à-dire de votre vie dans ce pays. Titine me paraît enchantée de son petit nid et de votre porte à porte.

… Je te répéterai sans cesse que tu m’as donné un grand bonheur en m’aidant pour cette enfant-là, et que je m’en souviendrai tous les jours et à tous les instants. Embrasse Eugénie mignonne pour moi et tes enfants, et ta mère, et mes enfants, à moi.

George.


À madame Eugénie Duvernet.
Nohant, octobre 1848.

Chère mignonne, combien je suis heureuse du bonheur que ton amitié a réussi à procurer à mon Augustine et à son mari ! J’en ai remercié déjà Charles, et c’était te remercier en même temps ; mais j’ai besoin de te le dire à toi-même, et je te le dirai en deux mots ; c’est que je t’aime davantage si c’est possible depuis que tu t’es montrée si bonne et si dévouée à ma chère fillette. J’ai besoin qu’elle soit heureuse, car l’autre, par sa faute, ne le sera jamais, et par suite, je ne le serai jamais non plus sans qu’une épine me déchire le cœur. Mais n’en parlons plus, c’est inutile, j’ai réussi à sauver son existence matérielle pour quelque temps. Je ne puis rien sur le moral.

Que le bonheur de ceux que j’aime remplace le mien, c’est tout ce que je demande au bon Dieu. Votre petite colonie berrichonne à Ribérac me donne envie d’aller vous voir. Vienne le printemps et un peu de sous et d’heures à dépenser, et je courrai vous embrasser. J’ai reçu de Marc une lettre toute pleine d’éloges affectueux de vous tous ; je vais lui répondre. Bonsoir, chérie. Embrasse pour moi Mme Duvernet (mère), Charles et les enfants.

George.