toujours, ne se réjouissant que de votre joie, ne s’affligeant que de vos chagrins. Au nom du ciel, chère mignonne, ne croyez jamais les anus officieux, qui viennent vous raconter les ragots. Puisque vous avez appris par une triste expérience qu’il ne fallait pas toujours y croire, même quand ils viennent des personnes qui vous touchent de près, à plus forte raison faut-il s’en méfier de la part d’autres personnes…
Oui, chère madame Sand, il faut que j’ajoute une petite page à la lettre de Pauline, pour vous parler, une seule fois et par écrit, d’une chose dont nous n’avons plus rien à dire de vive voix, car c’est un sujet trop pénible à traiter. En lisant votre dernière lettre, j’ai pleuré comme un enfant, parce que je me rappelais le temps où vous alliez avec moi chez M. Berthé réclamer le soutien du ministre de la justice pour poursuivre et reprendre votre fille qu’on vous avait enlevée. Quel changement de situation, et qui eût pu deviner alors comment vous seriez payée de votre dévouement maternel ! Je vous dis cela pour que vous connaissiez mes vrais sentiments et non ceux qu’on m’a faussement prêtés, je ne sais sur quel fondement et dans quelle intention. Pendant notre court séjour ou plutôt notre passage à Paris je ne me suis entretenu de vous et de Mme Clésinger qu’avec deux personnes : Hetzel et Chopin. Vous savez ce que pense et ce que dit le premier ; nous étions d’accord. Quant au second, je dois, par esprit de justice et de vérité, vous affirmer que l’inimitié dont vous croyez qu’il vous poursuit avec ingratitude ne s’est pas montrée, du moins avec nous, dans une seule parole, dans un seul geste. Voici en toute franchise le sens et le résumé de tout ce qu’il nous a dit : « Le mariage de Solange est un grand malheur pour elle, pour sa famille, pour ses amis. La fille et la mère ont été trompées, et l’erreur a été reconnue trop tard. Mais cette erreur partagée par toutes deux, pourquoi n’en accuser qu’une seule ? La fille a voulu, a exigé un mariage mal assorti, mais la mère, en consentant, n’a-t-elle pas une part de la faute ? Avec son grand esprit et sa grande expérience, ne devait-elle pas éclairer une jeune fille que poussait le dépit plus encore que l’amour ? Si elle s’est fait illusion, il ne faut pas être impitoyable pour une erreur qu’on a partagée. Et moi, ajoutait-il, les plaignant toutes deux du fond de mon âme, j’essaie de porter quelque consolation à la seule d’entre elles qu’il me soit permis de voir. »
Rien de plus, je vous jure, chère madame Sand, et cela sans reproche, sans aigreur, avec une profonde tristesse. Pauline s’offrait, en bonne fille et ne sachant qu’en gros cette triste affaire, à voir avec lui Mme Clésinger. Chopin l’a dissuadée très net de cette pensée : « Non, a-t-il