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d’une lettre de Louis et de Pauline Viardot, malheureusement absents alors et qui n’apprirent tous les événements que par lettres, ou à leur rentrée à Paris. Cette lettre est très intéressante et très importante. Elle témoigne qu’il y eut encore des cœurs qui eussent aimé raccommoder les deux amis d’antan, et qui essayèrent de ne dire à l’un que du bien de l’autre. Elle prouve aussi que tant que Chopin fut assez bien portant et tant que de prétendus amis n’envenimèrent point sa plaie, il parla de Mme Sand avec calme, avec une nuance de blâme à peine perceptible.

Dresde, 19 novembre 1847.

… Et maintenant, il faut que je réponde à la première phrase de votre lettre, dans laquelle vous me croyez fâchée de votre long silence. D’abord je ne suis pas fâchée, et je ne pourrais pas avoir pour motif l’histoire du mariage de Solange, puisque vous m’avez écrit deux lettres sur ce sujet, l’une qui m’annonçait ses engagements avec le jeune homme doux, l’autre qui me faisait part de son mariage comme fait accompli depuis quelques jours. Je me suis empressée de répondre à toutes les deux, et c’est depuis ce temps que je n’ai plus eu aucune nouvelle de vous. Sinon par les différents ou plutôt indifférents on-dit, qui sont la monnaie courante de la conversation à Paris. J’en ai extrait l’essence, qui m’a semblé être une situation pénible pour vous pendant laquelle vous ne jugiez pas devoir écrire à vos amis. Et il m’a semblé, toute réflexion faite, que je ne devais pas provoquer, par une deuxième lettre, une deuxième explication, ni une confidence de votre part. J’ai respecté votre silence et j’ai attendu. Que j’en aie éprouvé du chagrin, ceci je ne puis le nier, et je dirais le contraire que vous ne me croiriez pas. Merci donc mille fois d’avoir vous-même rompu cette triste glace. Je ne sais, chère mignonne, ce que l’inimitié a pu inventer contre moi, mais, à coup sûr, vous n’avez jamais pu penser que je cesserai un instant de vous aimer en fille dévouée à tout jamais. Il y a dans votre lettre un autre passage qu’il m’est impossible de laisser passer sous silence. C’est celui où vous dites que Chopin fait partie d’une faction de Solange, qui la pose en victime et vous dénigre. Ceci est absolument faux. Je vous le jure, du moins quant à lui. Au contraire, ce cher et excellent ami n’est préoccupé, affligé que d’une seule pensée, c’est le mal que toute cette malheureuse affaire a dû vous faire et vous fait encore. Je n’ai pas trouvé le moindre •changement chez lui. Aussi bon, aussi dévoué, vous adorant comme