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Chopin, dis-le simplement à sa portière, sans rien écrire, cela vaudra mieux. Si tu le rencontres, dis-lui bonjour, comme si de rien n’était : Vous allez bien, allons, tant mieux, rien de plus, et passe ton chemin. À moins qu’il ne t’évite, alors, fais-en autant. S’il te demande de mes nouvelles, dis-lui que j’ai été très malade par suite de mes chagrins. Ne lui mâche pas cela, et dis-lui d’un ton un peu sec, pour ne pas l’encourager à te parler de Solange ; s’il t’en parlait, ce que je ne crois pourtant pas, dis-lui que tu n’as pas à t’expliquer là-dessus avec lui. Voilà, il faut tout prévoir, et comme le moindre mot sera répété et commenté, les voilà tout préparés…[1].

Le 16 février, Mme Sand dit toujours au même :

… Mme Marliani jette les hauts cris de ce que tu ne vas pas la voir, Tu sais comme elle est avide de détails et curieuse. Tu lui diras tout ce qu’elle voudra savoir. Puisque M. Clésinger et Chopin ont embouché la trompette contre nous, souffle la vérité dans la trompette de Mme Marliani…[2].

Puis elle revient aux recommandations pratiques et dit de reprendre les clefs chez Mlle de Rozières, parce que si l’appartement est loué, on aura besoin des clefs, et si on en commande de nouvelles, il faudra payer le serrurier.

L’appartement fut loué, les meubles et les hardes bien séparés les uns des autres, repris par leurs propriétaires respectifs et emportés. Toutes les portes fermées à clef, — les cœurs aussi ! Fini !

Le 28 février, il naquit[3] une fille à Solange, alors à Guillery

  1. Inédite.
  2. Inédite.
  3. V. la lettre de Clésinger à Mme Bascans, datée de Guillery du 29 février 1848, où il dit : « Bien chère madame, je m’empresse de vous donner des nouvelles de ma tant aimée Solange ; à mon arrivée, elle allait vous écrire, lorsque hier, dans la nuit, les premières douleurs de l’enfantement l’ont surprise. Enfin, à cinq heures moins un quart de l’après-midi, j’étais père d’une ravissante petite fille, toute l’image de sa mère… » Et à cette lettre Solange ajoute quelques mots au crayon, ce qu’elle fit certainement le lendemain et non le jour même de la naissance de son enfant. Solange dit que sa fillette est venue « avant le terme, six semaines trop tôt ». C’est une indication qui n’est pas dénuée de valeur, sinon judiciaire, du moins morale et… biographique.
    Il est aussi très curieux de confronter les lignes ultérieures de cette lettre de Clésinger disant combien il était heureux que « sa fille était née républicaine » avec celles d’une lettre du comte d’Orsay à Mme Sand, écrites après le coup d’État de 1851 : « Clésinger va bien, il transforme ses productions