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bien marcher dans ma vie. Maurice a retrouvé son enjouement et son calme, et le voilà occupé avec Borie[1] d’un travail attrayant…[2].

J’attacherai mon nom en tiers à cette publication pour aider au succès de mes jeunes gens, et je ferai précéder l’ouvrage d’un travail préliminaire. Gardez-nous le secret, car c’en est un encore jusqu’au jour des annonces, vu qu’on peut être devancé dans ces sortes de choses par des faiseurs habiles qui gâchent tout. Voilà donc l’hiver de Maurice et de Borie bien occupé auprès de moi. Quant à ma chère Augustine, elle a donné dans le cœur d’un beau garçon, qui est tout à fait digne d’elle et qui a de quoi vivre. Cela, joint à un peu d’aide de ma part, lui fera une existence indépendante, et, quant aux qualités essentielles de l’intelligence et du caractère, elle ne pouvait mieux rencontrer. Elle ne pourra se marier que dans trois mois. Alors elle ira habiter le Limousin avec son mari et viendra passer les vacances avec moi. Nous nous regretterons donc l’une l’autre, les trois quarts de l’année, mais enfin j’espère qu’elle aura du bonheur, et que je pourrai mourir tranquille sur son compte.

Moi, j’ai entrepris un ouvrage de longue haleine, intitulé Histoire de ma vie… Ce sera en outre une assez belle affaire qui me remettra sur mes pieds et m’ôtera une partie de mes anxiétés sur l’avenir de Solange, qui est assez compromis par son manque d’ordre et les dettes de son mari…

Solange est venue me voir en passant pour aller chez son père, à Nérac. Elle a été roide et froide et sans repentir aucun[3]. Elle est enceinte, et je n’ai pas voulu dire un mot qui pût l’émouvoir péniblement. Du reste elle est bien portante, plus belle que jamais, et prenant la vie comme un assemblage d’êtres et de choses qu’il faut dédaigner et braver…

C’est ainsi que se termina tristement 1847 et que commença une nouvelle année qui devait amener de nouveaux chagrins sans guérir les anciens, toute calme et toute gaie que voulût

  1. C’était là le « jeune homme » sur le compte duquel Solange avait raconté l’histoire incroyable dont Chopin avait été malheureusement dupe. George Sand fait allusion à ce racontar dans sa lettre précitée du 2 novembre 1847. (V. aussi les lettres de Chopin à sa famille du 10 février et du 19 août 1848.)
  2. Ils préparaient une édition populaire de Rabelais a expurgée de toutes ses obscénités, de toutes ses saletés » et rendue en orthographe moderne, — travail qui était facilité par la presque totale identité du magnifique vieux français rabelaisien et du patois berrichon que Maurice Sand connaissait parfaitement. Ce travail ne fut pas terminé en raison des événements de 1848.
  3. C’est nous qui soulignons.