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d’un cheval par Solange, un petit fait prouvant grandement combien cet être si jeune était pratique et incroyablement avide en matière d’argent, (Or, c’était la même Solange qui décrivait en ce même moment[1] et sous les couleurs les plus poétiques combien elle était peu faite pour la vie prosaïque, elle « qui comptait vivre dans les espaces imaginaires avec des rêves de poésie, au milieu des nuages et des fleurs » et qu’elle « était sûre » que grâce à l’impitoyable réalité elle « deviendrait avare ».) À la fin de cette lettre George Sand laisse voir un désespoir sans bornes : on la sent écrasée par son chagrin.

Sur ces entrefaites, après avoir passé quelques semaines à Paris et après y avoir fort lestement mangé presque tout leur argent, les époux Clésinger se rendirent à Nérac, chez le papa Dudevant, et à Besançon chez les parents de Clésinger. Solange s’arrêta quelques jours à la Châtre, où elle descendit chez sa cousine Léontine Chatiron, devenue depuis 1843 Mme Henri Simonnet. Ayant appris son arrivée, Mme Sand désira la voir et l’envoya chercher : Solange fit une visite à sa mère en compagnie de Charles Duvernet et de sa femme, mais sans son mari. En décrivant cette visite et la seconda qui la suivit de près, Solange se plaint amèrement : sa mère s’est montrée très froide, dit-elle, et ne lui parla qu’affaires ; Maurice, venu au-devant d’elle « avec sa bouche égoïste et vexée », joua avec son chien et « fit le prévenant avec elle », mais lui demanda seulement : « Veux-tu manger quelque chose ? » Enfin elle se plaint de ce que « sa chambre nuptiale est entièrement démeublée, qu’on y a enlevé les rideaux, le lit, qu’on a séparé la chambre en deux parties : l’une est la salle, l’autre la scène et on y joue la comédie », qu’on a fait de son cabinet, la garde-robe des costumes, et de son boudoir, le foyer des acteurs. Chopin, de son côté, redit tout cela dans sa lettre à sa famille[2]. Évidemment, ou Solange ne comprenait pas combien elle avait été coupable ou elle tâchait

  1. V. M. Karlowicz, Pamiatkipo Chopinie, p. 233-236. Lettres de Solange à Chopin.
  2. V. M. Karlowicz, p. 230-233, lettre de Solange à Chopin du 9 novembre 1847, et p. 50-52, lettre de Chopin à sa famille, commencée le jour de Noël de 1847 et terminée le 6 janvier 1848.