Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/600

Cette page n’a pas encore été corrigée

contre les méchants et les fous. Je sais que pendant ce temps ils vont me tailler en pièces. C’est bien ! Quand leur haine sera assouvie de ce côté, ils se dévoreront les uns les autres.

… Je trouve Chopin magnifique de voir, fréquenter et approuver Clésinger qui m’a frappée, parce que je lui arrachais des mains un marteau levé sur Maurice. Chopin, que tout le monde me disait être mon plus fidèle et plus dévoué ami ! C’est admirable ! Mon enfant, la vie est une ironie amère, et ceux qui ont la niaiserie d’aimer et de croire doivent clore leur carrière par un rire lugubre et un sanglot désespéré, comme j’espère que cela m’arrivera bientôt. Je crois à Dieu et à l’immortalité de mon âme. Plus je souffre en ce monde, plus j’y crois. J’abandonnerai cette vie passagère avec un profond dégoût, pour renter dans la vie éternelle avec une grande confiance… Enfin le 14 août, ayant bien certainement reçu une réponse de Mlle de Rozières, elle lui écrit le billet que voici, dont le ton assez sec prouve que Mme Sand n’a pas dû trouver en cette demoiselle un cœur sympathique et que cette amitié fut encore l’objet d’une désillusion. D’autre part, la note du désespoir s’y laisse entendre encore plus distinctement :


14 août 1847.

Je suis plus gravement malade qu’on ne pense. Dieu merci ! car j’ai assez de la vie et je fais mon paquet avec beaucoup de plaisir. Je ne vous demande pas de nouvelles de Solange, j’en ai indirectement. Quant à Chopin, je n’en entends plus parler du tout, et je vous prie de me dire au vrai comment il se porte : rien de plus. Le reste ne m’intéresse nullement et je n’ai pas lieu de regretter son affection.

Il paraît que cette lettre fut la dernière que George Sand ait écrit à Mlle de Rozières. Il aurait peut-être mieux valu qu’elle ne lui écrivît pas du tout en cette occasion, car la vieille fille indiscrète, comme l’appelait jadis Chopin, n’était certes pas capable d’apprécier la confiance et la franchise de Mme Sand ; elle ne pouvait faire rien d’autre que d’agrandir encore par ses caquets l’énorme avalanche de potins qui roulait déjà et augmentait d’heure en heure autour du désaccord entre Mme Sand et Chopin[1]. Ces quatre lettres-là sont de toute importance pour

  1. Ce n’est pas en vain que Solange, dans sa lettre à Chopin, après lui