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inouïe. Les scènes qui m’ont forcée, non pas à les mettre, mais à les jeter à la porte, ne sont pas croyables, pas racontables. Elles se résument en peu de mots : c’est qu’on a failli s’égorger ici, que mon gendre a levé un marteau sur Maurice, et l’aurait tué peut-être, si je ne m’étais mise entre eux, frappant mon gendre à la figure et recevant de lui un coup de poing dans la poitrine. Si le curé qui se trouvait là, des amis et un domestique n’étaient intervenus par la force des bras, Maurice, armé d’un pistolet, le tuait sur place, Solange attisant le feu avec une froideur féroce et ayant fait naître ces déplorables fureurs par des ragots, des mensonges, des noirceurs inimaginables, sans qu’il y ait eu ici de la part de Maurice et de qui que ce soit l’ombre d’une taquinerie, l’apparence d’un tort. Ce couple diabolique est parti hier soir, criblé de dettes, triomphant dans l’impudence et laissant dans le pays un scandale dont ils ne pourront jamais se relever. Enfin, pendant trois jours, j’ai été dans ma maison sous le coup de quelque meurtre. Je ne veux jamais les revoir, jamais ils ne remettront les pieds chez moi. Ils ont comblé la mesure. Mon Dieu, je n’avais rien fait pour mériter d’avoir une telle fille.

Il a bien fallu que j’écrive une partie de cela à Chopin ; je craignais qu’il n’arrivât au milieu d’une catastrophe et qu’il n’en mourût de douleur et de saisissement. Ne lui dites pas jusqu’où ont été les choses, on le lui cachera s’il est possible. Ne lui dites pas que je vous écris, et si M. et Mme Clésinger ne se vantent pas de leur conduite, gardez-m’en le secret. Mais il est probable, d’après leur manière d’agir insensée et impudente, qu’ils me forceront à défendre Maurice, Augustine et moi des atroces calomnies qu’ils débitent.

J’ai un service à vous demander maintenant, mon enfant. C’est de prendre très positivement les clefs de mon appartement, dès que Chopin en sera sorti (s’il ne l’est déjà) et de ne pas laisser Clésinger, ou sa femme, ou qui que ce soit de leur part y mettre les pieds. Ils sont dévaliseurs par excellence, et avec un aplomb mirobolant ils me laisseraient sans un lit. Ils ont emporté d’ici jusqu’aux courtepointes et aux flambeaux… Au besoin il faudra voir en secret M. Laroc et lui dire que je ne veux pas que ma fille aille avec ou sans son mari (car je prévois qu’ils seront brouillés à mort dans peu de temps) s’installer dans mon appartement. Ils feraient quelque scandale dans le square et je n’y pourrais jamais retourner…


À la même.
Nohant, 25 juillet 1847.

Mon amie, je suis inquiète, effrayée, je ne reçois pas de nouvelles de Chopin depuis plusieurs jours, je ne sais pas combien de jours, car