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Mais il paraît que les projets de mariage avaient du guignon à Nohant : déjà le 22 juin, Mme Sand annonce à Mme Caroline Cazamajou que le mariage d’Augustine est rompu. Comme raison de la rupture, elle prétexte les dettes et la mauvaise santé du jeune peintre. Mais elle ne dit cela que pour sauver les apparences : les vraies causes qui firent si brusquement casser les fiançailles à peine annoncées étaient tout autres.

Même au beau milieu de sa jeune félicité, Solange était restée fidèle à son caractère : elle était méchante par méchanceté, comme on aime l’art par amour de l’art, sans aucune autre raison et sans aucune autre cause. Mariée, elle fit un double emploi de sa méchanceté. Elle avait toujours haï Augustine ; elle voulut, on ne sait trop pourquoi, rompre son mariage, et, par ses calomnies et ses insinuations, elle y parvint. Puis, fâchée avec sa mère, elle se vengea immédiatement d’elle aussi, en faisant circuler des calomnies ! Il se passa alors à Nohant des événements tels, que, tout en ayant en main d’amples documents et un récit détaillé fait par une personne très proche de George Sand, qui l’entendit de sa propre bouche et de celle de Maurice Sand, nous préférons néanmoins ne pas narrer nous-mêmes tout ce qui se passa : nous nous bornerons à donner soit intégralement, soit en extraits six lettres inédites de Mme Sand et deux lettres publiées, toutes les huit écrites de juin à décembre 1847.


À mademoiselle de Rozières.
Nohant, juillet 1847.

… Ce que j’ai souffert de Solange depuis son mariage est impossible à raconter et ce que j’y ai mis de patience, de miséricorde intérieure et de souffrance cachée, vous seule pouvez l’apprécier, car vous savez ce que je souffre d’elle depuis qu’elle existe. Cette froide, ingrate et amère enfant a joué fort bien la comédie jusqu’au jour de son mariage et son mari avec elle, encore mieux qu’elle. Mais à peine en possession de l’indépendance et de l’argent, ils ont levé le masque et se sont imaginé qu’ils allaient me dominer, me ruiner et me torturer à leur aise. Ma résistance les a exaspérés et pendant les quinze jours qu’ils ont passés ici, leur conduite est devenue d’une insolence scandaleuse,