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dévouement malgré mes souffrances, et que je ne me plaindrai pas. Solange t’embrasse.

George.

Nous sommes convaincu que la rupture entre les deux amis qui s’était déjà déclarée en l’été de 1846 et se signala par cette ligne de démarcation nettement tracée alors par Mme Sand entre la vie de Chopin et celle de sa propre famille, s’accomplit à ce moment précis : en avril et mai 1847. Et cela parce que Mme Sand n’avait plus pour Chopin de vrai amour de femme, mais une tendresse amicale et de la pitié. Tout ce qui survint plus tard, c’est-à-dire la transformation de leurs relations intérieurement étrangères, mais amicales en apparence, en une querelle ouverte, fut causé par des événements dans lesquels Solange joua le rôle principal du personnage actif : celui des victimes échut à Mme Sand et à Augustine. Si Chopin prit le parti de Solange contre sa mère, c’est justement parce qu’il n’y avait plus entre lui et Mme Sand cette fusion intime, cet amour vrai qui nous oblige même de loin à prendre far sentiment le parti de nos amis lointains, alors même que notre raison ne sait rien encore des circonstances. Il ns restait plus aussi dans le cœur de Chopin qu’une passion jalouse, soupçonneuse et maladive, et les douloureux souvenirs d’un bonheur passé !

Le 20 mai, Solange fut mariée en toute hâte, et sous ce rapport-là du moins, Mme Sand se sentit soulagée d’un grand poids, quoique la noce ne fût nullement gaie. M. Poinsot a bien raison aussi de citer « pour la bizarrerie de leur rédaction » les deux lettres de faire part de ce mariage, dans lesquelles « le nom du père de Mlle Solange ne figurait point, quoiqu’il fût vivant et qu’il assistât à la cérémonie et où Solange elle-même n’était pas désignée sous son nom véritable et légal, mais seulement sous le pseudonyme littéraire de sa mère[1] ».

Le lendemain 21 mai, dans deux lettres absolument curieuses, peignant presque identiquement les étranges et déplaisants

  1. M. Poinsot s’abuse seulement en croyant que M. Dudevant mourut en 1873 ; il mourut en 1871.