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lait son ascension ; elle répétait plusieurs fois cette gymnastique… Moi, je remarquais que chaque disparition du joli fantôme se prolongeait plus que de raison, et que chaque réapparition sur la terrasse ressemblait à une précaution de plus en plus rapide et agitée. Je feignis devant elle d’avoir à écrire et de quitter le salon sans méfiance. Je me glissai dans le parc et je la suivis. Elle ne monta pas jusqu’au donjon et s’arrêta dans le chalet (il faut entendre par chalet ce même pavillon), où elle resta quelques instants seule. Elle ressortit, se dirigea vers un gros arbre qui se penchait en dehors de la clôture (détail exact) et y cacha quelque chose dont je m’emparai dès qu’elle se fut éloignée. C’était une lettre que vint chercher au bout de cinq minutes un paysan que j’observai sans me montrer, mais qu’il me fut impossible de reconnaître, bien que son pas un peu lourd et sa respiration un peu forte me fissent penser à Montroger… (Lisez : Clésinger.)


Dans le roman de Mademoiselle Merquem, tous ces rendez-vous clandestins se terminent fort heureusement. Erneste n’avait pas le tempérament de Solange, elle rie voulait que faire ses quatre volontés, réduire à l’obéissance son adorateur, le propriétaire bon vivant Montroger, le rendre fou d’amour et l’amener à lui faire une déclaration en règle, afin de satisfaire son amour-propre, Montroger ayant commencé par adorer Mlle Célie Merquem. (Ce détail ne manque pas de valeur biographique ! Remarquons que cette Mlle Célie Merquem, nom consonant avec celui du fils de la Lucrezia Floriani, Celio, — cette Mlle Célie, disons-nous, qui mène une vie excentrique, est adorée des paysans de la Canielle et décriée par les habitants de la petite ville voisine, n’est personne d’autre que Mme Sand elle-même.) Quant à Solange Dudevant, elle faillit commettre des choses irréparables : elle avait consenti à se laisser enlever ! Sa mère découvrit ce projet et la sauva. Clésinger fut-il guidé dans ce plan insensé par son tempérament sans frein, ou bien, ce qui semble plus probable, par un infâme calcul de chantage (il était horriblement endetté), on ne peut le dire. Le fait est que l’enlèvement ne manqua que grâce à un pur hasard. Mais il fallut précipiter le mariage.

Le 7 mai, alors que Mme Marliani lisait peut-être la lettre de Mme Sand en apparence si joyeuse, envoyée la veille, George