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Voilà des mots qui sonnent bien étrangement au milieu des gais préparatifs du mariage, dans une lettre annonçant à une amie l’avenir brillant et bienheureux des fiancés. Il est évident que Mme Sand parlait, plus qu’elle n’y croyait réellement, de l’irréprochabilité de Clésinger et du bonheur de sa fille. Il est probable qu’elle eût déjà l’occasion de douter de la véracité de son enquête sur son futur gendre, ou qu’elle dût au contraire voir que « l’accusateur » de Clésinger n’était pas aussi « léger » qu’il parut dans un moment d’espérances optimistes.

Dans toute une série de lettres inédites encore, datant du printemps de 1847, comme dans cette seule lettre imprimée et la lettre à la princesse Galitzine, Mme Sand s’efforce d’affirmer qu’elle est contente de ce mariage, que les jeunes fiancés sont heureux et qu’un brillant avenir les attend. Mais on sent à travers toutes ces phrases une inquiétude cachée, — disons plus, on sent le chagrin, le désespoir. Et cela n’est pas étonnant. Mme Sand se rendait parfaitement compte que ses cachotteries à l’égard de Chopin lors des brusques fiançailles de Solange étaient indignes de leur amitié et de leur longue liaison, indignes d’elle et de lui ; cette manière d’agir devait justement sembler impardonnable à Chopin.

La conduite de Clésinger commençait aussi à suggérer à George Sand des craintes, des appréhensions, et même de l’effroi.

La personne ou les personnes qui s’étaient efforcées de la prévenir contre Clésinger avaient raison.

C’était, dit M. Edmond Poinsot, un artiste de grand talent, mais il était dissipateur, brutal, grossier de gestes et de langage et d’existence par trop bohème, nullement fait pour le mariage.

Et il ajoute en note à cette page :

Arsène Houssaye, qui l’a beaucoup connu, nous donne en trois lignes au troisième volume de ses intéressantes Confessions, page 241, le portrait suivant de Clésinger : « Un monsieur bruyant et désordonné, un ci-devant cuirassier devenu un grand sculpteur, se conduisant partout comme au café du régiment et à l’atelier… »

Il faut s’étonner que Solange, toujours entichée du bon ton et du grand monde, ait pu condescendre à accepter les pré-