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Clésinger fera la gloire de sa femme et la mienne ; il gravera ses titres sur du marbre et sur du bronze, et cela dure autant que les plus vieux parchemins…[1].

Le 6 mai Mme Sand écrit à Mme Marliani dans la seule lettre imprimée dans la Correspondance après septembre 1846 :

… Solange se marie dans quinze jours avec Clésinger, sculpteur, homme d’un grand talent, gagnant beaucoup d’argent, et pouvant lui donner l’existence brillante qui est, je crois, dans ses goûts. Il en est très violemment épris et il lui plaît beaucoup. Elle a été aussi prompte et aussi ferme, cette fois, dans sa détermination qu’elle était jusqu’à présent capricieuse et irrésolue. Apparemment elle a rencontré ce qu’elle rêvait. Dieu le veuille ! Pour mon compte, ce garçon me plaît beaucoup aussi, de même qu’à Maurice. Il est peu civilisé au premier abord, mais il est plein de feu sacré et, il y a déjà quelque temps, que le voyant venir je l’étudié sans en avoir l’air. Je le connais donc autant qu’on peut connaître quelqu’un qui veut plaire. Vous me direz que ce n’est pas toujours suffisant, c’est vrai. Mais ce qui me donne confiance, c’est que la principale face de son caractère, c’est une sincérité qui va jusqu’à la brusquerie. Il pécherait donc par excès de naïveté plus que par toute autre chose, et il a encore d’autres qualités qui rachèteront tous les défauts qu’il peut et doit avoir. Il est laborieux, courageux, actif, décidé, persévérant. C’est quelque chose que la force et il en a beaucoup, au physique comme au moral. Je me suis trouvée amenée par une circonstance fortuite à faire sur son compte une véritable enquête, telle qu’un procureur du roi l’eût faite pour un accusé de Cour d’assises.

Quelqu’un m’avait dit de lui tout le mal qu’on peut dire d’un homme. Je ne savais pas encore alors qu’il songeât à ma fille ; mais il faisait nos bustes. Il voulait les faire en marbre, gratis, et il ne me convenait pas d’être comblée de pareils présents par un homme dont on me disait pis que pendre. Et puis je voulais savoir si la personne qui le traitait de la sorte était une bonne ou mauvaise langue. Quelques explications, auxquelles je n’attachais pas d’abord toute l’importance qu’elles eurent ensuite, amenèrent une foule de renseignements particuliers, et j’arrivai à pouvoir juger sur preuves ; car vous savez que, dans ces sortes de choses, il se fait un enchaînement imprévu de découvertes. J’acquis donc la certitude que Clésinger était un homme

  1. Nous empruntons ces deux extraits de lettres inédites (à M. Bascans et à la princesse Galitzine) au livre de M. Georges d’Heylli : la Fille de George Sand, p. 53-54.