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pourquoi avez-vous donc permis de publier tout cela, puisque c’est un tas de bêtises ? — Ah ! ma chérie, peu m’importe. Et lui, il avait tant besoin d’argent, il était si au dépourvu, lorsqu’il écrivit tout cela[1]… »

Nous conseillons à tous ceux qui lisent les petits livres et les articles sur Chopin — exception faite du livre de Niecks, et surtout de l’excellent travail de Ferdinand Hœsick — de se rappeler très ferme que dans toutes les biographies de Chopin on trouve des dizaines de ces « coupes d’argent ». Il en foisonne, il en pullule à chaque page, à commencer par la description de la première rencontre de Chopin et de George Sand, avec tous ces « pressentiments de Chopin » ces « escaliers éclairés a giorno et recouverts de tapis », ce « léger parfum de violettes », ce « frou-frou d’une robe de soie », cette « grande Lélia » s’appuyant au piano et « dévorant de ses yeux noirs le virtuose », ce « mystérieux chiffre 7 », qui termine… l’année 1836 ! (car la première rencontre eut bien lieu en 1836 et non en 1837), et à finir par la description des derniers moments de Chopin, le piano roulé presque au pied du lit et Delphine Potocka chantant, non seulement au dernier jour, mais à la dernière heure, au moment même où Chopin expirait, et chaque chroniqueur nomme catégoriquement un air différent : l’un du Mozart,

  1. On voit par les lettres inédites à George Sand de Charles Rollinat lui-même ; par celles de Charles-Edmond (Choyecki), alors rédacteur du Temps, et par celle de George Sand à M. Edmond Plauchut (Corresp., t. VI, p. 307) de quelle chaleureuse et énergique aide, témoignant de son amitié inaltérable, fit preuve George Sand, lorsque Charles Rollinat s’adressa à elle au commencement de 1874, de Côme, lui contant ses misères. Les mots suivants de Tourguéniew dans sa lettre à Mme Sand, datée du 15 avril 1874 (E. Halpérine Kaminsky, Ivan Tourguéniew, d’après sa correspondance avec ses amis français. Paris, Charpentier, 1901) : « Chère madame Sand, Aussitôt après avoir reçu votre lettre, j’ai écrit à l’ami Plauchut pour le prier de me faire faire la connaissance de Rollinat. Je serai heureux de me mettre à sa disposition pour tout ce qu’il voudra. J’ai parcouru sa traduction qui est très bonne. Plauchut l’amènera probablement demain soir…, etc », se rapportent justement à Charles Rollinat et à ses traductions du russe, et nullement à Maurice Rollinat, le fils de François, et plus tard poète connu, comme le prétend en note M. Halpérine Kaminsky. C’est à Charles Rollinat, encore, que se rapportent les lignes d’une autre lettre de Tourguéniew à Mme Sand, datée du 9 avril 1875 : « Ce bon Rollinat s’est débulozé… », c’est-à-dire que Charles Rollinat abandonna son travail chez Buloz, le directeur de la Revue des Deux Mondes.