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Jedrzeïewicz ont vus. Le vieux jardinier qui, pendant quarante ans, a servi la famille, puis Françoise, qui y est restée dix-huit ans, et maintenant Luce, qui y est née et qui a été portée au baptême avec Solange, dans le même berceau : tous sont restés jusqu’au moment où est entrée dans la maison cette cousine qui compte sur Maurice, tandis que celui-ci profite d’elle. Que ceci reste entre nous… Nous avons encore eu ce matin une petite gelée, par bonheur très petite et probablement peu nuisible pour les récoltes, dont on espère beaucoup cette année. Le blé est extrêmement cher, comme vous savez, et il y a une grande misère, malgré l’inépuisable charité. Mme S[and], comme vous avez pu le remarquer, fait beaucoup de bien dans le village et dans les environs, et c’est une des deux causes pour lesquelles, sans compter le mariage rompu de sa fille, elle a, cet hiver, quitté sitôt la ville. Son dernier ouvrage publié est Lucrezia Floriani. Dans quatre mois la Presse publiera son nouveau roman intitulé (jusqu’à présent) Piccinnino, ce qui signifie « petit ». L’action se passe en Sicile. Il y a là beaucoup de belles choses. Je ne doute pas qu’il plaise mieux à Louise que Lucrèce, qui a excité ici moins d’enthousiasme que les autres. Piccinnino est un sobriquet donné à un bandit de Sicile, à cause de sa taille. Ce roman renferme de beaux caractères de femmes et d’hommes, beaucoup de naturel et de poésie ; je me rappelle avec quel plaisir j’en ai écouté la lecture. Maintenant encore mon hôtesse écrit quelque chose de nouveau, mais à Paris elle n’a pas un moment de tranquillité… Trois jours encore viennent de s’écouler, nous voilà au 18. Hier j’ai dû donner sept leçons, quelques-unes à des personnes sur le point de partir…

… Nous voici au 19. Hier j’ai été interrompu par une lettre de Nohant. Mme S[and] m’écrivait qu’elle arrivera à la fin du mois prochain et qu’il faudra l’attendre. Probablement l’affaire du mariage de Sol. avance, mais non plus avec celui dont je vous ai parlé. Que Dieu leur accorde tous ses dons ! Dans cette dernière lettre, ils étaient tous d’excellente humeur, j’ai donc bon espoir. Si quelqu’un est digne de bonheur, c’est bien Mme S[and]…

Il paraît qu’en quittant Paris, Mme Sand espérait gagner du temps, prendre des renseignements sur Clésinger, enfin savoir qu’est-ce que c’était que cet homme qui avait ainsi subitement gagné le cœur de Solange et dont on lui disait, d’autre part, les choses les plus déplorables. À peine arrivée à Nohant, Mme Sand s’empresse, comme de coutume, de tranquilliser Chopin sur leur voyage, et le 8 avril elle écrit à Maurice, resté à Paris :