Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/574

Cette page n’a pas encore été corrigée

lecteur que « ce roman renferme plutôt l’analyse de certaines questions d’art que celles de sentiments ». Il est en effet principalement consacré à une fine et spirituelle critique et à l’explication des types et des épisodes du Don Juan de Molière et de Mozart. L’auteur fait cette analyse tout en racontant avec verve comment on avait improvisé une représentation de cette comédie dans le Château des Désertes. Cela rappelle beaucoup la célèbre analyse de Hamlet donnée par Gœthe dans Wilhelm Meister à propos de la représentation de l’immortelle tragédie de Shakespeare par la troupe ambulante de Philine et de Jarno.

Le personnage principal et le chef de la bande joyeuse des acteurs au Château des Désertes, c’est… le fils de Lucrezia Floriani, ce même Celio Floriani, dont nous avons déjà fait la connaissance et qui certes n’est autre que Maurice Sand. On peut reconnaître Augustine sous les traits de Cécile qui improvise et chante le rôle de la Donna Elvira. On retrouve au Château des Désertes les autres enfants de la Lucrezia, devenus adultes, ainsi que maint personnage du roman précédent : Béatrice, le petit Salvator, Boccaferri, etc.

Comme de coutume, George Sand s’empresse de prévenir le lecteur, toujours dans la même préface, de ne pas voir dans ce roman la reproduction exacte de faits réellement arrivés. Elle dit (à propos des représentations improvisées à Nohant) :

Lorsque j’introduisis un épisode de ce genre dans le roman qu’on va lire, il y devint une étude sérieuse, et y prit des proportions si différentes de l’original que mes pauvres enfants, après l’avoir lu, ne regardaient plus qu’avec chagrin le paravent bleu et les costumes de papier découpé qui avaient fait leurs délices. Mais à quelque chose sert toujours l’exagération de la fantaisie, car ils firent eux-mêmes un théâtre aussi grand que le permettait l’exiguïté du local, et arrivèrent à y jouer des pièces qu’ils firent, eux-mêmes aussi, les années suivantes…

Et ceci donne à Mme Sand l’occasion de s’étendre avec complaisance sur « l’effet détourné » que « la fantaisie, le roman, l’œuvre d’imagination, en un mot, a sur l’emploi de la vie : la fiction commence par transformer la réalité, mais elle est