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On trouve sur ces représentations des détails d’un pittoresque exquis dans la préface du Château des Désertes et dans les pages intitulées l’Acteur, récemment insérées dans le volume des Souvenirs et Idées.

Durant plusieurs hivers consécutifs, raconte George Sand dans cette Préface, étant retirée à la campagne avec mes enfants et quelques amis de leur âge, nous avions imaginé de jouer la comédie sur scénario et sans spectateurs, non pour nous instruire en quoi que ce soit, mais pour nous amuser. Cet amusement devint une passion pour les enfants et à peu près une sorte d’exercice littéraire qui ne fut point inutile au développement intellectuel de plusieurs d’entre eux. Une sorte de mystère que nous ne cherchions pas, mais qui résultait naturellement de ce petit vacarme prolongé assez avant dans les nuits, au milieu d’une campagne déserte, lorsque la neige ou le brouillard nous enveloppaient au dehors et que nos serviteurs mêmes, n’aidant ni à nos changements de décor, ni à nos soupers, quittaient de bonne heure la maison où nous restions seuls ; le tonnerre, les coups de pistolet, les roulements du tambour, les cris du drame et la musique du ballet, tout cela avait quelque chose de fantastique et les rares passants qui en saisirent de loin quelque chose n’hésitèrent pas à nous croire fous ou ensorcelés…

Il y a une douzaine d’années[1], — écrit Mme Sand en 1857, en réponse à un ami qui lui demandait des renseignements sur Nohant, — que, nous trouvant ici en famille durant l’hiver, nous imaginâmes de jouer une charade, sans mot à deviner, laquelle charade devint une saynète, et, rencontrant au hasard de l’inspiration une sorte de sujet, finit par ne pouvoir pas finir, tant elle nous semblait divertissante. Elle ne l’était peut-être pas du tout, nous n’en savons plus rien, il nous serait impossible de nous la rappeler ; nous n’avions d’autre public qu’une grande glace qui nous renvoyait nos propres images confuses dans une faible lumière et un petit chien, à qui nos costumes étranges faisaient pousser des cris lamentables ; tandis que la brise gémissait au dehors et que la neige entassée sur le toit tombait devant les fenêtres en bruyantes avalanches.

C’était une de ces nuits fantastiques comme il y en a à la campagne, une nuit de dégel assez douce, avec une lune effarouchée dans des nuages fous.

  1. On a indiqué après ces mots lors de l’impression du volume des Souvenirs e 1 Idées la date de « 1845 », c’est une erreur : Mme Sand passa l’hiver de 1845-46 à Paris ; ce n’est qu’en 1846 que commencèrent les représentations théâtrales à Nohant.