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riquement que Liszt, qu’elle n’avait jamais séjourné à Nohant en même temps que Liszt, ce qui est absolument conforme à la vérité. C’est pour toutes ces raisons que nous n’hésiterons pas à appeler les Souvenirs de Charles Rollinat[1] un conte très intéressant, mais rien de plus. Au lecteur qui aime « les contes poétiques » nous conseillons bien de lire dans cette chronique, d’une fantaisie exubérante et ne manquant pas de talent, comment en l’été de 1837 ou de 1841 (on ne sait pas trop) toute une pléiade de célébrités et d’amis de George Sand séjourna simultanément à Nohant, goûtant les plaisirs de l’esprit et les divertissements les plus raffinés. Il y est conté comment on y travaillait, comment on y lisait et comment le soir tout le monde se réunissait soit au salon, soit sur la terrasse ; c’est alors que se passaient les choses les plus incroyables et les événements les plus fabuleux. Malheureusement pour la plupart ils sont déjà réfutés par Niecks, mais il nous sera encore possible d’en nier toute véracité, grâce à un seul argument, que nous gardons en réserve, d’une telle portée que tous les autres deviennent presque inutiles. Le lecteur des Souvenirs de Charles Rollinat apprendra donc par exemple que Liszt et Chopin rivalisaient au piano, qu’une fois, on transporta ce piano sur la terrasse, et le jardin de Nohant inondé de clair de lune et parfumé de fleurs retentit, tour à tour, des trilles du rossignol, du chant de Pauline Viardot et du jeu puissant de Liszt, auquel répondait l’écho. Le lecteur de Rollinat apprendra encore qu’une autre fois Liszt se serait vengé du conseil de Chopin, donné la veille, de ne point changer à sa guise, en les jouant, les œuvres chopiniennes, et

  1. Ces Souvenirs parurent dans le Temps, en 1874. Charles Rollinat fut le frère du Pylade de George Sand, François Rollinat, et aussi un grand ami à elle, il chantait admirablement et fut surnommé par elle, pour sa voix agile et souple, le Bengali. Plus tard, il se voua à la carrière pédagogique, séjourna quelque temps, comme précepteur, en Russie, apprit le russe, se fit une petite fortune, alla en Italie, se ruina, revint en France et, grâce à l’aide de George Sand, put gagner sa vie en faisant pour la Revue des Deux Mondes des traductions du russe (c’est ainsi qu’il traduisit plusieurs œuvres de Tourguéniew) et en écrivant de petits articles dans le Temps. Nous y reviendrons plus loin.