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aimantes, et dans la carrière d’ambition qu’il suivra constamment, ardemment, quelquefois imprudemment, verrai-je des conditions toutes rassurantes pour le bonheur de notre princesse ? Il sera toute sa vie estimable et digne, mais préoccupé de parvenir bien plus que de faire des heureux et de l’être lui-même. Esprit du dehors, amoureux d’éclat, plutôt que résigné à se vouer aux intérêts de la famille, je lui crois l’esprit plus riche que le cœur ; mais je n’entends parler que de l’avenir de ses affections, car il a été admirable de dévouement pour son père et son frère. Il n’a point subi quelques faiblesses qui honorent. Il n’a jamais été dupé de sa vie ; est-il destiné à être auprès d’une femme bien sensible aux exceptions de la vertu ? Il est à cent mille lieues de penser à rien qui ressemble à la stabilité dans un avenir. S’il est un être qui lui inspire de l’enthousiasme, c’est vous. Et vous n’avez point à rougir de cet hommage. La femme est là pour un tiers, le reste s’adresse à un talent hors de ligne. Je sais qui l’a élevé, je sais à quelle digne école il a puisé le culte du bien et de la probité exclusive. S’il aime, et s’il est jamais aimé, vous ne ferez pas un meilleur choix, mais ces conditions il faut les attendre et en les attendant nous causerons beaucoup de ce qui vous intéresse. À bientôt.

Votre vieux ami.

Mais bientôt ce projet fut abandonné et un autre prétendant à la main de la belle femme, c’est ainsi que Mme Viardot appelait alors Solange[1], apparut en scène. C’était Victor de Laprade, jeune poète que Pierre Leroux avait, dès 1841, recommandé à George Sand ; il s’était lié avec tous les Sand, lors de son séjour à Nohant en 1846. Mais la famille très catholique de ce jeune homme semble avoir, dès le début, envisagé d’un œil malveillant les rapports de Victor avec l’écrivain libre penseur et la possibilité de s’apparenter à une famille si étrangement constituée aux yeux de la société bourgeoise. Nous supposons que la venue de Victor de Laprade à Nohant, en qualité de

  1. C’est ainsi que dans sa lettre datée de Berlin, du 27 février 1847, elle dit à Mme Sand qu’elle espère la revoir à Paris « après la noce de la belle femme », et dans sa lettre datée de Francfort-sur-le-Mein, au 20 juin 1847, elle écrit à George Sand : « … L’histoire du mariage de la belle femme m’a été racontée en gros à Dresde par Mme Czosnowska, dame polonaise qui s’est trouvée à Nohant au début du roman. Son récit coïncide avec le vôtre. Elle m’a tout appris, excepté le nom du second prétendant… » (Ce fut le quatrième.) Nous reviendrons encore à cette lettre de la grande artiste.