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soupira en se disant qu’elle avait travaillé en vain dans sa jeunesse pour inspirer l’amour et dans l’âge mûr pour inspirer le respect. Elle sentait pourtant qu’à ces différents âges elle avait mérité ce qu’elle cherchait…

Il est impossible de dire si, à ce moment de sa vie, Mme Sand n’aimait plus d’amour. D’après certaines lettres (surtout d’après celles du printemps de 1847, écrites après sa rupture avec Chopin, au moment où le sachant malade, elle était dévorée d’inquiétude, de tristesse, désespérée à l’idée d’avoir à tout jamais perdu son amitié), l’amour subsistait encore. Cependant durant l’été de 1846, Mme Sand avait déjà senti qu’elle n’avait plus rien à attendre du bonheur, que ce bonheur n’existait plus. Mme Sand arriva à cette conclusion après cette « seule et unique querelle » entre Maurice et Chopin, dans laquelle elle dut intervenir et se prononcer ouvertement contre Chopin. Nous trouvons dans l’Histoire de ma vie le récit de cette heure suprême, où révoltée par des injustices sans nombre, Mme Sand alla pleurer « dans le petit bois du jardin de Nohant » ; là, assise sur une pierre, elle « épuisa son chagrin dans des flots de larmes », puis « après deux heures d’anéantissement, passa deux autres heures en méditations » ; elle jugea le passé, pesa le présent, supputa l’avenir et prit une résolution inébranlable : de ne plus faire de rêve de bonheur personnel, mais de s’abandonner à son instinct de tendresse en se dévouant au bonheur des autres. Or, ce que l’auteur de l’Histoire semble avoir si parfaitement oublié au moment où il affirmait qu’il n’y avait eu entre elle et Chopin « ni ces enivrements, ni ces souffrances », et ce que ceux qui ont cru et affirmé que la rupture n’eut lieu qu’en 1847 n’ont pas remarqué non plus, c’est que le chapitre xxix de la Lucrezia Floriani n’est rien qu’une paraphrase développée de ce troisième passage de l’Histoire de ma vie (pp. 462-64). Nous regrettons de ne pouvoir placer les deux textes en regard pour mieux faire voir leur identité presque absolue.

Cela se passe au moment où la Floriani eut quarante ans, et où Mme Sand avait, comme elle dit, environ quarante ans, ou plutôt, pour parler exactement, quarante-deux ans :