Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/549

Cette page n’a pas encore été corrigée

quitter la partie. Alors elle dut intervenir. Le point sur lequel ni Mme Sand ni Lucrezia ne pouvaient céder est le même : le bonheur des enfants.

Dans l’Histoire de ma vie, George Sand assure qu’entre elle et Chopin il n’y eut « ni les mêmes enivrements ni les mêmes souffrances » qu’entre Lucrezia et le prince Karol. Sur ce point l’auteur de l’Histoire de ma vie semble en contradiction avec l’auteur du roman. Mais un troisième auteur, celui des Lettres inédites à Mme Marliani, répète carrément toutes les dépositions du second et réfute cette assertion du premier. Il existe une lettre datée du 2 novembre 1847, écrite après la rupture définitive et que nous donnerons à sa place : cette lettre sert d’appendice à l’Histoire de ma vie, en racontant ce qui ne s’y trouve pas, et relie les pages de Lucrezia peignant ces « souffrances » aux lignes si brèves de l’Histoire. Voici ce que Mme Sand y dit entre autres :

… Son caractère s’aigrissait de jour en jour, il en était venu à me faire des algarades de dépit, d’humeur et de jalousie, en présence de tous mes amis et de mes enfants ; Solange s’en était servie avec l’astuce qui lui est propre. Maurice commençait à s’en indigner contre lui. Connaissant et voyant la chasteté de mes rapports, il voyait aussi que ce pauvre esprit malade se posait sans le vouloir et sans pouvoir s’en empêcher peut-être, en amant, en mari, en propriétaire de mes pensées et de mes actions. Il était sur le point d’éclater et de lui dire en face qu’il me faisait jouer à quarante-trois ans un rôle ridicule et qu’il abusait de ma bonté, de ma patience et de ma pitié pour son état nerveux et maladif. Quelques mois, quelques jours peut-être de plus dans cette situation et une lutte impossible, affreuse éclatait entre eux…

… Je ne puis plus, je ne dois, ni ne veux retomber sous cette tyrannie occulte qui voulait par des coups d’épingles continuels et souvent très profonds m’ôter jusqu’au droit de respirer. Je pouvais faire tous les sacrifices incroyables, jusqu’à celui de ma dignité, exclusivement. Mais le pauvre enfant ne savait plus même garder ce décorum extérieur dont il était pourtant l’esclave dans ses principes et dans ses habitudes. Hommes, femmes, vieillards, enfants, tout lui était un objet d’horreur et de jalousie furieuse, insensée ; s’il s’était borné à me le montrer à moi, je l’aurais supporté, mais les accès se produisant devant mes enfants, devant mes domestiques, devant des hommes qui, en