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Elle n’écrit point de lettre à l’ami du prince Karol, et cet ami ne s’appelle pas le comte Albert (Grzymala), mais bien le comte (Salvator) Albani, mais… mais elle s’empresse de lui raconter l’histoire de ses entraînements passés, avec la même loyauté que Mme Sand. Elle sait que Karol en outre a eu un premier amour, une fiancée, qu’il fut « inconsolable » en la perdant, c’est pour cela qu’elle croit — tout comme Mme Sand dans sa lettre à Grzymala — que Karol peut n’éprouver pour elle qu’un entraînement passager.

Lucrezia s’aperçoit qu’elle et le prince sont aussi dissemblables que le feu et l’eau. Lui est un aristocrate, par sa naissance, ses instincts, elle une plébéienne ; c’est un juste, elle une pécheresse ; elle est pleine de condescendance pour les faiblesses humaines, lui exige la perfection absolue et ne peut pardonner une seule tache, une seule ombre ; lorsque Karol apprendra son histoire, il sera épouvanté, elle en est sûre. Mais elle ne veut pas qu’il s’abuse sur son compte, et elle raconte sa vie à l’ami de Karol, Albani, un autre Grzymala, qui connaît à fond son ami et le surveille avec une tendresse paternelle.

Écoute, dit Lucrezia à Salvator, j’ai eu des entraînements violents, aveugles, coupables, je ne le nie pas, mais ce n’étaient pas des caprices. On appelle ainsi une intrigue de plaisir qui dure huit jours. Mais il y a aussi des passions de huit jours !… Peut-être aurais-je mieux fait d’être galante que d’être passionnée. Je n’aurais nui qu’à moi-même, au lieu que ma passion a brisé d’autres cœurs que le mien.

Mais on n’échappe pas à la destinée : au bout de quelques semaines, pendant lesquelles Lucrezia se dévoue à soigner le prince malade (cela ne se passe certainement pas à Majorque, mais aux bords du lac Iséo), elle devient sa maîtresse.

6° Pourquoi, dit l’auteur du roman (croyant fermement qu’il ne parle ni de Chopin ni de Mme Sand), pourquoi cette femme qui n’était plus très jeune, ni très belle, dont le caractère était précisément l’opposé du sien, dont les mœurs imprudentes, les dévouements effrénés, la faiblesse du cœur et l’audace d’esprit semblaient une violente protestation contre tous les principes du monde et de la religion officielle, pourquoi enfin la comédienne Floriani avait-elle, sans le vouloir et