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aussi d’aller se reposer ; on avait donc décidé de quitter Paris dès les premiers jours de mai.

Or, Maurice était allé au mois d’avril faire un séjour à Guillery, chez son père, auquel il ne faisait généralement sa visite annuelle qu’aux vacances d’automne. Nous avons dit (au chapitre xi du deuxième volume) que les malentendus d’autrefois étaient si bien oubliés, à cette époque, que les deux époux s’invitaient l’un et l’autre, par l’intermédiaire de Maurice, à venir passer quelques jours dans leurs domaines respectifs.

Mme Sand annonce à son fils, dans l’une de ses lettres inédites, que Chopin est allé faire une petite course à Tours. Elle accompagne cette nouvelle de quelques lignes humoristiques, où résonne l’écho de cette gaieté un peu bruyante et de drôleries sans nombre dont la « jeunesse » faisait retentir les murs du logement parisien de Mme Sand :

… Chopin est allé à Tours avec un rhume, et en est revenu guéri. Seulement un peu plus taquin et cherchant des poux dans la tête des gens plus que de coutume. J’en ris, Mlle de Rozières en pleure. Solange lui rend coup de dents pour coup de griffes, Bignat[1] fait : « Aïe ! aïe ! » Titine se jette dans le sein de Briquet, Briquet serre la queue et prend son galop à travers la chambre. Pierre[2] rit d’un rire agréable et met ses pieds en dehors, la Luce[3] relève ses sourcils jusqu’aux cheveux par un bout et Suzanne[4] souffle comme un cachalot. D’Arpentigny[5] est pour le moment la bête noire, mais le capitaine ne s’en aperçoit point et va son train avec une gravité sublime…[6].

Les leçons de Chopin l’empêchèrent toutefois d’aller à Nohant en même temps que toute la famille, il partit quelques jours

  1. Emmanuel Arago.
  2. Le domestique français de Chopin qui succéda en 1845 au Polonais Jean.
  3. Jeune Berrichonne, compagne de Solange et domestique dans la maison de Mme Sand, qui l’a vue naître et l’éleva avec sa fille.
  4. Cuisinière.
  5. Le capitaine d’Arpentigny, adepte de Lavater et de Spurzheim et auteur d’un ouvrage sur la devination du caractère d’après les lignes de la main. Cet ouvrage, qui parut en 1843 sous le titre de Chirognornonie, est mentionné par George Sand dans une note de son roman d’Isidora. Le capitaine était alors l’un des habitués du salon de Mme Sand.
  6. Inédite.