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l’irritation croissante des nerfs. La mort de son ami le docteur Mathusinski et ensuite celle de son propre père lui portèrent deux coups terribles…[1].

Le séjour de sa sœur à Nohant fut un bienfait pour le pauvre grand artiste et lui apporta un certain calme, ses nerfs semblèrent se détendre, la présence de Mme Iedrzeiewicz aplanit même certains sujets de discorde entre lui et Mme Sand. Mais l’hiver rigoureux de 1844-45 aggrava la phtisie d’une manière notoire, et dès cette époque, Chopin eut à lutter chaque hiver contre un catarrhe aigu, parfois deux, coup sur coup : cette saison lui devint une rude épreuve. Mme Sand écrit à Mme Iedrzeiewicz au printemps de 1845[2] :

Chère et bien-aimée Louise, vous êtes bonne de m’aimer et moi, je vous aime de toute mon âme. J’aime mieux ma chambre de Paris depuis que vous l’avez habitée et je ne peux pas renoncer au rêve de vous voir l’habiter encore. Notre cher petit a été bien fatigué par l’hiver rigoureux qui s’est tant prolongé ici, mais depuis qu’il fait beau, il est tout rajeuni et tout ressuscité. Quinze jours de belle chaleur lui ont mieux valu que tous les remèdes. Sa santé est liée à l’état de l’atmosphère, aussi je songe sérieusement, si je peux réussir à gagner cet été assez d’argent pour voyager avec ma famille, à l’enlever pendant les trois mois les plus rigoureux de l’hiver prochain et à le conduire dans le Midi. Si l’on pouvait, pendant une année entière, le tenir préservé du froid, l’été venant ensuite, il aurait dix-huit mois de répit pour se guérir de sa toux. Il faudra que je le tourmente, parce qu’il aime Paris, quoi qu’il en dise. Mais pour ne pas le trop priver et ne pas l’enlever trop longtemps à sa clientèle, on peut lui laisser passer ici septembre, octobre et novembre, puis revenir au mois de mars et lui donner encore jusqu’à la fin de mai avant de retourner à Nohant. Voilà mes projets pour l’année présente et l’année prochaine. Les approuvez-vous ?

Un autre remède bien nécessaire, c’est que vous lui écriviez souvent et qu’il n’ait jamais d’inquiétude sur votre compte à tous, car

  1. Histoire de ma vie, t. IV, p. 470.
  2. Cette lettre sans date fut bien certainement écrite au printemps de 1845, c’est-à-dire à la fin de cet « hiver rigoureux » qui suivit le séjour de Mme Jedrzeiewicz à Paris et à Nohant. Cette lettre est imprimée sous le numéro 9, dans le livre de M. Karlowicz, mais devrait être placée avant les numéros 3, 4, 5, 7 et 8.