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d’adorer passionnément son Aurore… aux yeux noirs, et d’en être aimé bien tendrement, bien doucement. Ce qui équivaut à dire, pour parler simplement, que lui, il était toujours amoureux comme par le passé, et elle, l’aimait de cet amour doucement condescendant que les femmes un peu âgées portent souvent aux jeunes hommes amoureux d’elles. Il ne faut pas oublier que le cas échéant ce jeune adorateur était charmant, frêle, sensitif et de plus, marqué au coin du génie !

C’est à tort, encore une fois, qu’on s’est efforcé de faire croire que George Sand « se refroidit bien vite à l’égard de Chopin », et que lui ne faisait que « souffrir et supporter son malheur ». Les lettres publiées et inédites, les journaux intimes et les mémoires nous peignent ces relations tout autrement. Nous le répétons : si les habitudes et le train extérieur de l’existence étaient différents chez ces deux grands artistes, s’ils s’aimaient aussi de manières conformes à la nature de chacun, ils n’en étaient pas moins intimement liés par les côtés les plus sublimes et les plus poétiques de l’âme, par la compréhension de la part de Mme Sand des œuvres de son ami, par la sympathie et la compréhension de Chopin pour ses croyances et ses aspirations humanitaires à elle. Ajoutons encore : par l’appréciation réciproque de leurs individualités artistiques qui se faisaient sentir en toutes choses ; ils voyaient bien cette empreinte de génie que des amis communs étaient assez peu aptes à remarquer. Et enfin, par un attachement mutuel, tel qu’il ne s’en rencontre pas souvent dans des mariages légitimes. Il suffisait à Chopin de s’absenter, pour que Mme Sand se prît immédiatement à s’inquiéter, elle se donnait toutes les peines du monde pour le préserver du froid, pour faire déjeuner et dîner à temps ce « petit Chopin », si distrait, si oublieux de sa personne, pour l’entourer de tout le confort possible. Nous lisons dans une lettre inédite, datée du 12 août 1843 à Mme Marliani :


Nohant, 12 août 1843.

Chère bonne amie, Chopin se décide tout d’un coup à aller passer deux ou trois jours à Paris pour voir son éditeur de musique et s’en-