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sions. Puis nous allons marier une filleule de Maurice et faire la noce à la maison[1].

À partir de 1841, presque tous les étés ou aux vacances venaient à Nohant les Viardot, Eugène Delacroix ou l’un des amis polonais de Chopin, tous gens au milieu desquels Chopin se sentait dans sa sphère favorite, avec lesquels il pouvait parler à cœur ouvert, faire de la musique, leur confier ses idées sur l’art. Leur seule présence avait une action bienfaisante sur sa nature nerveuse et impressionnable et lui rendait sa bonne humeur, parce qu’ils apportaient un changement et une animation inaccoutumée dans la vie calme de Nohant. Il retrouvait sa verve et son esprit, il exécutait ces incomparables scènes mimiques, que Balzac mentionne dans son Homme d’affaire et dont George Sand parle, outre l’Histoire de ma vie[2], dans plusieurs de ses lettres. C’était ainsi qu’en racontant à Mme Marliani l’arrivée du vieux Mendizabal à Nohant, en 1843, Mme Sand écrit à cette amie :

J’ai eu la visite de Mendizabal[3] un beau soir, au moment où je ne l’attendais guère, comme bien vous pensez. Il a passé ici trois heures, une à dîner et à bavarder, deux à entendre chanter Pauline et à faire faire à Chopin toutes les charges de son répertoire. Il est parti à minuit, toujours actif, brave, jovial et entreprenant…

On voit par tout ce qui précède, que si même Chopin n’aimait pas beaucoup la campagne, il y menait néanmoins une vie assez douce et agréable. Il faut en général tenir pour certain que si les années passées au square d’Orléans et à Nohant, de 1842 à 1846, n’étaient plus aussi intimement heureuses que celles qui coulèrent rue Pigalle, que si même il y existait un certain désaccord intime, cela n’empêchait point Chopin

  1. Cf. avec la lettre de Mme Sand à Louise Jedrzeiewicz imprimée dans le livre de M. Karlowicz sous le numéro 10 (p. 223) et se rapportant sans aucun doute à ce même « été déplorable » de 1845, — ce qui est évident pour tous ceux qui se donneront la peine de comparer cette lettre avec la lettre à Mme Marliani citée dans la note précédente et avec les lettres de Chopin à sa famille du 20 juillet et du 1er octobre 1845.
  2. T. IV, p. 465.
  3. Voir plus haut, chap. Ier, p. 56.