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six ans que je le vois tous les jours. Une quinte de toux assez forte, tous les matins, deux ou trois crises plus considérables et durant chacune deux ou trois jours seulement, tous les hivers, quelques souffrances névralgiques, de temps à autre, voilà son état régulier. Du reste sa poitrine est saine et son organisation délicate n’offre aucune lésion. J’espère toujours qu’avec le temps elle se fortifiera, mais je suis sûre du moins qu’elle durera autant qu’une autre, avec une vie réglée et des soins. Le bonheur de vous voir, quoique mêlé de profondes et douloureuses émotions qui le briseront peut-être un peu le premier jour, lui fera pourtant un grand bien, et j’en suis si heureuse pour lui que je bénis la résolution que vous avez prise. Je n’ai pas besoin de vous recommander de soutenir son courage qu’une si longue séparation de tout ce qu’il aime a éprouvé continuellement. Vous saurez mêler à l’amertume de vos regrets mutuels tout ce qui pourra lui donner l’espérance de votre bonheur et de la résignation de sa mère chérie. Il y a longtemps qu’il ne s’occupe que du bonheur de ceux qu’il aime, à la place de celui qu’il ne peut partager avec eux. Pour ma part, j’ai fait tout ce qui dépendait de moi pour lui adoucir cette cruelle absence, et bien que je ne la lui aie pas fait oublier, j’ai du moins la consolation de lui avoir donné et inspiré autant d’affection que possible après vous autres. Venez donc me voir avec lui et croyez que je vous aime d’avance comme ma sœur. Votre mari sera aussi un ami que je recevrai comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Je vous recommande seulement de faire bien reposer le petit Chopin, c’est comme cela que nous appelons le grand Chopin votre frère, avant de lui permettre de se remettre en route avec vous pour le Berry, car il y a quatre-vingts lieues, et c’est un peu fatigant pour lui.

Au revoir, donc, chers amis, croyez que votre visite me rendra bien heureuse et que je vous retiendrai jusqu’au dernier jour de votre liberté.

À bientôt et à vous de cœur.

George Sand.

Mme Sand reçut et traita la sœur et le beau-frère de Chopin comme de vrais parents. Les Jedrzeiewicz firent un assez long séjour à Nohant ; une amitié sincère, une sympathie réelle et cordiale s’établit d’emblée entre Mme Sand et Mme Louise Jedrzeiewicz et, après le départ de cette dernière, il en résulta une correspondance des plus amicales, témoignant que la sœur de Chopin fut vraiment pour Mme Sand une véritable « sœur ». Nous ne pouvons nous priver du plaisir de donner ici les deux