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Il faut noter, à cette occasion, que George Sand faisait généralement lire à Chopin tous ses romans, avant de les donner à l’impression, et qu’elle écoutait et acceptait souvent ses critiques et ses conseils. C’est ainsi que nous apprenons de sa bouche qu’il avait lu Lucrezia Floriani « chaque jour sur son bureau », à mesure que le roman avançait. Et dans une lettre de Leroux à Mme Sand, datée du 2 novembre 1843 et répondant aux objections de Chopin — transmises à Leroux par Mme Sand — contre la manière d’agir de Consuelo vis-à-vis de Frédéric II, nous lisons :

… Il est inutile que je réponde que je ferai ce que vous me commandez relativement à Consuelo. Je lirai, mais je crois d’avance qu’il n’y aura rien à retrancher. Je suis rarement de l’avis de Chopin contré vous, et quant aux rois, ils ont trompé tant de fois les peuples, que je ne trouverais pas plus mauvais que vous que Consuelo (elle-même) les trompe un peu…[1].

Bien certainement qu’ayant pris connaissance du manuscrit de la Comtesse de Rudolstadt, Chopin avait trouvé l’image de l’héroïne amoindrie ou ternie par les mensonges qu’elle faisait au roi de Prusse.

Nous ne reviendrons plus sur les sympathies slaves et polonaises, qui se reflétèrent si manifestement dans les œuvres de George Sand de cette époque, ni sur l’influence purement artistique exercée par l’individualité de Chopin ; nous soulignerons seulement encore la profonde satisfaction que Chopin et George Sand devaient trouver dans leur commerce intellectuel et moral.

Malgré toutes leurs petites disputes et tous les malentendus douloureux, leur attachement mutuel était profond comme par le passé. Cet attachement soutint Chopin aux moments de deux cruelles épreuves : il perdit, coup sur coup, son ami Jean Matuszynski en 1842, et son père en 1844.

La mort du père de Chopin fut pour Mme Sand une douleur presque personnelle, elle ne savait vraiment pas ce qu’elle n’au-

  1. Inédite.