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Citons aussi la page suivante du livre de Niecks sur Chopin, dans laquelle cet auteur exprime d’abord sa propre opinion sur le bonheur profond que Chopin et George Sand puisaient dans leur commerce spirituel et intellectuel, puis raconte, sur la foi d’autrui, deux petits épisodes fort caractéristiques de leur vie commune :

… Dès qu’il est question de la liaison de Chopin avec George Sand on n’entend parler que de ses malheurs et très peu ou presque rien de félicités qui lui échurent en partage. On ne fait que glisser sur les années de tendre amour, d’abnégation et de sacrifice (de la part de G. S…), mais au contraire on relève outre mesure son infidélité, son indifférence croissante et son abandon définitif. Mais quoi qu’en disent les amis de Chopin, qui n’étaient pas toujours en même temps ceux de George Sand, nous pouvons être sûrs que les joies qu’il goûta prévalaient sur ses souffrances. La décision qu’elle montrait en toutes choses devait être un soutien inestimable pour un caractère aussi vacillant que celui de Chopin, et si leurs natures divergeaient sous bien des rapports, l’élément poétique qui lui était propre, à elle, devait néanmoins trouver chez lui un écho sympathique. Chaque caractère a ses côtés différents, mais le monde est peu porté à prendre en considération plus d’un côté du caractère de George Sand, et surtout ne semble remarquer que sa tendance d’être en opposition contre les mœurs et les lois, qui s’exhale dans ses plaintes et ses récriminations. Pour apprendre à la connaître d’un côté plus aimable, il nous faudrait nous transporter du salon de Chopin dans le sien propre. Louis Enault raconte qu’un soir George Sand qui avait l’habitude de penser tout haut devant Chopin — c’était sa manière de causer — se mit à parler de la vie paisible à la campagne. Et comme si elle avait transporté dans le square d’Orléans un coin de son Berry, elle traça un tableau aussi plein de charme et de grâce rustique qu’une idylle champêtre. « Comme c’est beau, ce que vous nous avez raconté là, dit Chopin naïvement. — Le trouvez-vous ? dit-elle. Eh bien, mettez-le-moi en musique !… » Et là-dessus Chopin improvisa une véritable symphonie pastorale ; quant à elle, elle se plaça auprès de lui, lui mit doucement sa main sur l’épaule, disant : « Courage, doigts de velours ! »

Et voici une autre anecdote de son intimité. Elle avait un petit chien[1], qui avait l’habitude de tourner en rond, voulant attraper le

  1. Mme Sand, toujours entourée de bêtes, aimant à apprivoiser tantôt